dimanche 18 août 2013

Jour 3 et 4


En fait il n’y a pas grand-chose à raconter, donc ce billet va plutôt servir à noter quelques réflexions.
Le dimanche matin dans ce quartier, c’est très bruyant (avec notamment des télés ou des radios diffusant à plein tube des chants religieux — enfin je pense que c’est religieux, et un voisin qui tape au marteau), du coup je me bénis d’avoir emporté mes boules quiès, j’avais vraiment besoin de dormir.

Je réfléchissais en me levant, et je me rends compte que je risque en fait de me trouver un peu dans la même situation que Mathias et Nath quand ils étaient au Québec : pas assez de temps libre pour bouger, dans un pays où tout est très loin et donc difficile d’accès. Même au sein de la ville, c’est très grand. Il y a bien des bus, mais franchement pour l’instant je n’ai pas le courage de les expérimenter. Ceci pour plusieurs raisons : prendre le bus dans une capitale, c’est tout une aventure. Dans une capitale surpeuplée qui plus est. Et la dernière raison, c’est qu’il faut l’attendre, le bus. Et là, ça mérite une explication. J’avais dit que j’avais eu l’impression d’être dévisagée à l’aéroport de Dehli, eh bien là ça continue. Là où je bosse, ce ne sont que des bureaux. Enfin, des bureaux à l’indienne, ce sont des petits locaux qui ressemblent plutôt à des boutiques, sauf qu’on n’y vend rien. Là-bas, je commence à me sentir soulagée quand je vois une femme, et cela reste très rare. Non seulement je suis une étrangère, mais je suis une femme, et par moment je me sens très seule dans cet environnement masculin où le moins qu’on puisse dire, c’est que je ne passe pas inaperçu. Certains des hommes que je croise là-bas me sourient gentiment, d’autres se contentent de me regarder avec insistance. C’est pour cette raison que je n’ai pas envie d’attendre le bus sous un feu croisé de regards (et parfaitement indéchiffrables, ces regards…). De ce point de vue là, j’ai hâte de retrouver mon anonymat de bretonne !
Je n’ai pas encore essayé d’aller à pieds où que ce soit. Certains endroits, en distance, sont relativement accessibles, mais ce que je n’avais pas prévu, c’est l’état des routes, la quasi inexistence des trottoirs, et les immenses intersections qu’on se retrouve forcé de traverser. À ce propos, je pense que les policiers en France, quel que soit leur service, devraient tous venir faire un stage à la circulation en Inde, car il faut avoir du cran et pas mal d’autorité pour rester debout au milieu du carrefour et faire passer tout le monde. Il y a bien des feux, mais il y a tjrs un flic à ces endroits. D’ailleurs on ne doit pas tout à fait faire les mêmes signes parce que moi je comprends pas trop les gestes à chaque fois… Enfin bref du coup, j’essaierai sans doute, mais je vous avoue que ça m’inspire une peur authentique de circuler à pied. Ne restent plus que les rickshaws, du coup. Et comme ils parlent à peine anglais et sont parfois de mauvaise volonté, c’est pas non plus quelque chose qu’on a tout le temps envie de faire.
En tout cas, on se retrouve facilement isolé. J’habite juste à côté de l’une de ces grandes intersections. Je pense que je vais peut-être essayer de faire le tour des petites rues adjacentes pour commencer. Déjà à Paris je me sens perdue, mais à Paris y a des métros à tous les coins de rue, et une vraie vie de quartier !
Autre réflexion : il est vraiment temps que je m’habitue à la chaleur, car au mois de septembre apparemment je risque les 40°C, et j’avoue que ça m’inquiète un peu, mais ma coloc allemande est dans le même cas que moi :)

Tous les jours, on reçoit le journal local, donc j’y jette un coup d’œil, ainsi qu’aux infos sur le net, car maintenant j’ai deux pages d’accueil Yahoo, une française et une indienne. Là j’ai deux colocs qui ont pris des vacances et partent dans le nord, eh bien j’espère que ça ira pour eux. Mathias le sait sans doute, moi je l’ignorais : il y a déjà eu quatre fois la guerre avec le Pakistan ! Et ces derniers jours, des échanges de coups de feu à la frontière, ainsi que des émeutes anti-musulmanes dans le Rajasthan (voisin du Gujarat) et dans le Cachemire. Quand je repensais au sentiment anti-musulman en France, je me dis en fait que ça va pas si mal. J’ai appris que le « Chief Minister » (chaque État à un « ministre en chef », celui qui gouverne c’est le premier ministre de l’Inde, et le président dirige les forces armées) du Gujarat est soupçonné par la commission des US sur la tolérance religieuse d’avoir une part de responsabilité dans les émeutes religieuses de 2002, qui ont fait quand même 1000 morts, majoritairement musulmans. Ce gars ne me plaît pas d’après ce que j’ai lu jusqu’ici, c’est un Hindou conservateur, il appartient à l’opposition actuelle (le parti qui gouverne est globalement le même qu’à l’époque des Gandhi, le parti conservateur a rarement gagné les élections), et tout le monde a l’air de penser qu’il a de fortes chances de devenir premier ministre aux prochaines élections. C’est moi où partout dans les démocraties du monde, on prête de plus en plus l’oreille aux conservateurs qui dissimulent parfois mal un extrémisme ? C’est d’autant plus ironique quand on pense aux soulèvements de masse dans d’autres pays pour obtenir plus de liberté… ou la liberté tout court, d’ailleurs.
Pfiou, en tout cas quand on pense que l’hindouïsme est censé être une religion syncrétique et tolérante…
Je me demande si j’aurai l’occasion d’en parler avec un Indien, car ça m’intrigue. À quel point prennent-ils leur religion littéralement ? Est-ce qu’ils croient vraiment qu’il existe des dieux à tête d’éléphants ?

De façon plus légère, j’ai appris que tant mieux que mon patron est venu me chercher à l’aéroport, car apparemment il y a là-bas une « mafia » des rickshaws qui forcent la main aux voyageurs et vole leur boulot aux « vrais » rickshaws (comme les taxis, c’est un service officiel et réglementé). Vous imaginez ça, une mafia de taxis à Charles de Gaulle ?! uhuh :)

Et cette année, l’équipe Indienne a gagné les championnats mondiaux de cricket. Dommage qu’on n’ait pas la télé, ç’aurait été un bon moyen d’en savoir plus sur les us et coutumes du coin, et de voir un tournoi de cricket, ce qui je l’avoue m’intrigue !

Bon, finalement j’ai juste fait un petit tour dans le quartier mais je n’ai pas osé aller très loin par crainte de me perdre… J’ai vu des résidences fermées qui avaient l’air plutôt chic, mais le reste, c’est des immeubles modestes comme le nôtre, et surtout des petites maisons individuelles très modestes. Le quartier est plutôt calme, et j’ai commencé à m’initier à la marche à pieds le long des grandes artères. Mais sérieux, tout le monde me fixe, on dirait qu’ils n’ont jamais vu d’étrangers, c’est vraiment désagréable.

Voilà, voilà, je n’ai pas été très très courageuse aujourd’hui, donc. Mais bon je profite aussi du dimanche pour pouvoir me poser un peu et glander en toute sérénité. Je vous laisse donc et vous souhaite un bon dimanche :)


PS : J'ai passé mon après-midi à lire ce blog, découvert par hasard en surfant sur Slate. ça en vaut vraiment le détour. C'est intéressant et diablement bien écrit, avec certaines fulgurances...  et une tristesse et une angoisse existentielles nuancées par un humour noir parfois exagéré, tout cela est fait pour me plaire :)

1 commentaire:

  1. Merci pour ce billet que j'ai trouvé très instructif ! Ça permet d'avoir une vision plus précise du quotidien, du tien bien sûr mais surtout de cette ville que ton analyse éclaire d'un jour nouveau.
    Et puis, tu as certes un peu perdu la notion du temps, mais tu es arrivée il y a quelques jours seulement, c'est normal que cette vie totalement nouvelle te semble encore étrange et étrangère.

    J'ai parcouru le blog dont tu parles, à moi aussi il m'a beaucoup plu !

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