vendredi 6 janvier 2017

Creepy January

+Ça fait un moment que ça me travaille, et ça me manquait. Je suis de retour ici !



Hyper sensible en ce début d’année, victime de la fatigue, d’un rhume carabiné, du mousseux, et d’un excellent jeu vidéo (Enderal, une "extension" de Skyrim, mais en fait un jeu vidéo à part entière qui se sert de la base technique de Skyrim). Je me suis incroyablement triste, davantage que je ne l’ai été depuis très longtemps. Et pourtant… ça libère quelque chose en moi. Comme si ça faisait trop longtemps que je n’avais pas pleuré. Est-ce une sorte d’attendrissement, une vague d’émotion en voyant les choses sous un autre angle, débarrassé des considérations quotidiennes, une sorte de pureté de sentiment ? Peut-être… Ça me donne désespérément envie d’écrire tout en m’ôtant les mots des doigts, et c’est l'une des plus ancienne émotion marquante dont je me souvienne, l’une des plus familières.
Il y a ces impératifs, ces choses à faire, ces deadlines à respecter, mais il y a surtout cette palpitation dans la poitrine, cet émerveillement mêlé de sidération, l’alliance des extrêmes, quelque chose d’impossible à exprimer vraiment. Je suis triste, non, ce n’est pas le mot exact. Je suis submergée. Et la tempête me déchire, mais elle me nourrit aussi.
En raison de la fièvre cette semaine me paraît encore plus nébuleuse que les autres, la notion du temps complètement étrangère. J’ai fait des rêves extrêmement étranges, des rêves qui me donnent l’impression d’avoir eu une sorte de clairvoyance. J’ai traversé des kilomètres de cavernes obscures avec une gravité sans doute à peu près équivalente à celle de la Lune, et la seule chose qui me guidait, c’étaient les sons. Des sons étranges, partout autour de moi, des cliquètements et des grattements, qui avaient une existence autonome, qui n’avaient pas besoin qu’on les produise, et qui se déplaçaient dans l’air d’une manière non naturelle, comme s’ils tordaient l’espace et le temps. Je crois que la dernière fois que j’ai vécu ça, c’était en hallucinant sous somnifère il y a seize ans. Comme quoi, les psychotropes peuvent vraiment mener à des états de conscience particulièrement intéressants.
J'ai eu aussi ce sentiment de voir la même scène se dérouler dans plusieurs endroits différents, mais comme si ces endroits étaient superposés. Oui, une sorte d'omniscience onirique, en gros.

Parfois, j'ai le sentiment de saisir quelque chose. Pas avec ma pensée, du moins pas avec le langage. C'est hors de ma capacité d'abstraction. Je ne fais que le ressentir. Ça me prend aux tripes. Ce blog, tout comme mon journal Les Écritures du vide, et les deux sont souvent les mêmes, sont comme une antichambre de l'écriture. Une soupape nécessaire au processus créatif. C'est pourquoi ça me manque, parce que ce n'est pas tout à fait pareil quand je sais que vous pouvez me lire, et quand je l'écris juste pour moi. Je n'attends rien de vous, c'est juste en quelque sorte... réconfortant, juste le fait de savoir que vous pouvez me lire.

L'année 2016 a presque tout changé pour moi. Ça a été l'année la plus dingue de ma vie. L'amour, le boulot, et avec ça, l'estime de moi qui est revenue, la force de continuer, mais plus important que la force, l'envie.
J'ai continué à être aussi sotte, et je continuerai. J'ai une drôle de manière d'être et j'aime bien me dérober, j'ai une immense pudeur émotionnelle. À tel point que souvent, je ne me rends même pas compte que je ressens. Comme ce matin en pleurant devant une stupide newsletter. Alors oui, c'est aussi l'hypersensibilité qui amène ça. Mais il y a autre chose. Je suis en perpétuelle lutte pour ne pas me couper de moi-même, pour ne pas me couper de mes émotions. Non pas parce que c'est plus facile ou confortable sans (c'est tout le contraire), mais parce que ça m'oblige à mener une double vie, et c'est ça qui est dur. Je n'ai jamais trouvé le moyen d'être autant moi-même avec les autres que je le suis quand je suis seule. Notamment parce qu'il faut en passer par les mots, et que j'ai beau avoir consacré ma vie à l'écriture, spoiler alert, la plupart du temps, je ne sais pas quoi dire, à part pour pour blablater sur des choses qui ne m'impliquent pas (ou peu) émotionnellement. Je sais rassurer (je crois), je sais écouter (je crois aussi), je sais démontrer mon point de vue (inutile de continuer), j'aime la polémique et le débat pour eux-mêmes. Mais je parle très mal de moi. Je ne sais le faire qu'ici, que comme ça. Je ne sais bien le faire qu'ici. Quand je parle, je n'arrive jamais à dire ce que je peux dire ici. C'est pourquoi ce blog est important.
J'ai pensé un moment ne plus en avoir besoin. J'ai même pensé ne plus en avoir envie. Des conneries que tout cela. Tout une partie de ma vie est basée sur le fait que moi, femme forte et indépendante, je n'ai besoin de personne. Mais c'est faux et il faudrait que je cesse de me leurrer à ce sujet. Je ne sais pas encore comment réconcilier ce fait avec mon ego, voilà tout.
Ma fierté est ma faiblesse mais c'est aussi ma force. Le mur dont parle le titre de ce blog, il est profondément ambivalent. Meilleur ami, meilleur ennemi.
Longtemps j'ai été torturée par l'idée que j'étais nulle pour vivre. Je me rends compte que pas plus que la moyenne, en fait. Tout un chacun, on ne fait que lutter, en permanence. Mais moi, j'étais trop bien pour ça. Moi, je ne lutte pas, je suis. Tu parles...

Les années ne m'amènent pas vraiment à plus de sérénité. Mais, je crois, à plus de clairvoyance. Cependant, abandonner ses illusions une à une, on m'a décrit ça quand j'étais ado (du moins je l'ai compris comme ça) comme un processus amer menant au cynisme. Je ne le vis pas comme ça. Alors oui, c'est douloureux. Mais je le vis davantage comme je vis l'écriture : un accouchement. C'est long, douloureux, ça contracte et sature tout mon être, mais c'est libérateur. Chaque fois que je me replie sur moi-même, que je me crispe sur mon propre hurlement, je crée une porte dans mon labyrinthe mental. Vous qui me connaissez bien savez que ma peur ultime est celle de l'emprisonnement : dans son propre corps, dans son esprit, ou dans la vie qu'on s'est construit. Cela ne fait pas de moi une personne sans attaches, bien au contraire. Ça fait de moi quelqu'un qui éprouve le besoin constant de poursuivre l'horizon, c'est ça qui fait, dans une certaine mesure, que dès que je rentre dans un espace public bondé, mon premier réflexe est d'évaluer les issues possibles. C'est ça qui fait que je doute autant, et aussi que je me dérobe sans cesse, parce que ma peur de ne pas pouvoir partir prévaut sur tout le reste. Je sais d'où ça vient, du moins en partie : le spectacle de l'impuissance d'autrui, ça apprend à prévenir de telles situations. Ma vie est construite là-dessus : éviter de me retrouver piégée. C'est tellement ancré en moi que je ne sais pas si ça partira un jour, et je ne sais même pas si je devrais vraiment me débarrasser de cet instinct, ou si ce qui m'invite à le faire, c'est l'idée d'être plus acceptable et acceptée.

Et merci à Nathalie pour ce billet, parce que c'est en grande partie ton courage à écrire qui est à l'origine du mien.