lundi 31 mai 2010

flots de mots

Oui, j'ai besoin de mes moments de solitude, c'est ce dont j'ai le plus besoin au monde. Car la chose qui pousse en moi a besoin d'attention. Elle est là même si je n'y pense pas. Et un jour elle rugit et se débat, et parfois c'est trop tard, j'ai désappris à l'apprivoiser, alors je suis perdue et sombre dans le doute. C'est pour l'apprivoiser que je suis venue ici, en tirer les histoires qu'elles me suggèrent, suivre les rêves qu'elle fait glisser dans mon ciel intérieur. C'est pour me laisser mener dans des imaginaires qui ne s'épanouissent qu'à l'ombre de la solitude que je suis venue. Pour écouter le chant de l'aurore et la mélancolie du soir. Pour saisir les gouttes de rosée et les parfums du printemps qui continue sans nous, indifférent à nos états d'âme, à déployer sa beauté. C'est pour me pister, pour retrouver l'écho lointain de ces voix, de ces pas, qui résonnent sur le pavement des nuits d'insomnie, sur les chemins effrayants qu'ouvre un rayon de lumière, menant dans l'inconnu, dans la folie, la démesure de mon désir qui menace toujours de détruire ce que je pourrais créer. Il hurle et trépigne comme la petite fille que je suis toujours, parfois je le noie dans l'alcool où parviens à le détourner en endormant mon esprit à d'autres occupations. Mais il finit toujours par revenir, et quand je m'y attends le moins, il hurle le besoin de créer, mais il est trop impatient et étouffe les nouveaux-nés...
J'avais seulement besoin d'être seule, ne serait-ce qu'une journée, et déjà, j'ai retrouvé des mots, des pensées, des horizons, des désirs. C'est étonnant, à quel point j'en étais coupée. Je ne veux plus reproduire cela. Que j'ai toujours mes instants, mes aurores. Que je parte seule dans la forêt, que je retienne la nuit, que je me laisse aller à mes désirs de lumière. Que je prenne la mer. Que je sois seule avec le ciel. Je ne laisserai plus une telle folie me réduire, car quand cela arrive, c'est tout qui diminue en moi, même mon amour. Je le sais. Je suis ainsi. Cyclique, à moitié folle, lunatique, éprise, éperdue. Maintenant, je le sais, et je n'en ai plus peur, plus comme avant. Retrouver ces moments au bord du vide, tellement essentiels, où la vie s'arrête et où tout se produit en même temps.
Un peu de mal à retrouver mon équilibre. J'ai toujours cette espèce de nervosité qui me fait agir trop vite. J Rassembler ces fragments épars d'impression, prendre le temps de les contempler. Je vais boire cette bière sur le balcon, avec la musique qui évoque en moi un long rêve éveillé, cette longue fresque d'Howard Shore...
Ce qui fait la beauté des choses, c'est ce que nous y mettons, de nous-mêmes. Parfois, les autres le voient rayonner. Dans ce thème du Rohan, je vois Eowyn, tout ce qui fait son être, sa mélancolie, son courage, sa sauvagerie, son désir. Elle met de la lumière à ce thème, et elle y met de la douleur. Mais une douleur qui flamboie et qui triomphe.

Je me sens curieusement émue ce soir, lassée, énervée, secouée. La gorge serrée et douloureuse. La musique que j'écoute me bouleverse, comme si, vous savez, certains soirs, on était ouvert,

à fleur de peau

au bord de nous-mêmes

à portée de tir, à bout de souffle, à tombeaux ouverts, au bout du rouleau,
à la croisée des routes, au bout du quai, à l'aube d'une nouvelle ère, à l'autre bout du monde, à l'heure d'hiver à l'heure d'été, à la manque,

à l'ouest

à la folie.

Je serre des deux mains l'entaille profonde par où pulse mon sang, dégorge ma poitrine, crève mon coeur, et pourtant, le monde est douceur...

Je voudrais être la voix qui saurait provoquer l'apocalypse, je voudrais être la violence qui t'arrachera les yeux, je voudrais être le rythme primitif qui cascade dans nos cauchemars et fait de nous des enfants terrifiés.

Je voudrais apprivoiser le démon afin de m'unir à lui et confondre nos chairs, de manière à ce que sa puissance surnaturelle soit les ailes de ma dérisoire vengeance...
Je voudrais être ton hurlement, je voudrais être la tombe sur laquelle tu marches, je voudrais te recueillir au creux de mes entrailles, afin peut-être de t'enfanter à nouveau.

je voudrais, je voudrais, je voudrais

Je voudrais creuser les artères vitales, tomber dans tous les terriers du monde, habiter le creux des vagues et les cavernes de nos mémoires, je voudrais arracher l'écorce pour demeurer dans la terre et les arbres, je voudrais qu'une guerre souffle nos lâchetés, qu'un cataclysme force nos âmes à paraître et à jouir enfin, je voudrais que la mort nous poursuive pour que nous puissions courir, je voudrais que la maladie nous terrasse pour que nous puissions nous relever, je voudrais déchaîner l'enfer pour que nous puissions y retrouver nos souvenirs aimés...



Faire parler le silence
écouter ses longs monologues
doucement descendre
jusqu'aux nuées noires
doucement descendre

Qu'est-ce qui te retient soudain ? A l'angle de ton regard apparaît une larme. Pourquoi t'arrêtes-tu ? Tu t'égares immobile, au beau milieu du songe qui t'éveille... Que vois-tu ? Moi, je vois s'ouvrir le ciel, en bas. J'y ai longtemps aspiré...
Des fleurs inversées y ondoient, des lumières s'y croisent comme dans les vitraux d'une cathédrale. Peut-être est-il temps. Alors que je me déshabille de ces choses qui font la vie, et me revêts de pluie, tu n'oses pas encore avancer. Mais où vas-tu ? Tu ne peux pas remonter. Là-haut c'est l'abîme et le néant, là-haut c'est ta mort que tu abandonnerais comme un vieux vêtement.
Je ne suis pas venue pour relever les morts. Je suis venue pour me relever de la vie.
We're one, but we're not the same...