vendredi 15 octobre 2010

Le blues de l'étudiante

Chaque année, c'est un constat en demi-teintes qui s'impose. Après l'enthousiasme de la rentrée, des débuts, revient ce sentiment de solitude et d'anonymat. Je suis toujours à la fac sans y être vraiment. Dans la semaine, j'ai un seul cours qui m'intéresse vraiment. On me demande d'aller à des séminaires qui se déroulent entre des spécialistes pour des spécialistes. Ce qui s'étudie à la fac ne sort pas de la fac (du moins pour les Lettres). J'aime les études, je suis passionnée de littérature, c'est pour ça que je m'acharne à aller au bout de mon cursus. Et je suis là, à dresser courageusement mes plannings, et j'ai l'impression d'être mon propre prof, j'ai l'impression d'avoir en charge tout ce que je fais. Non que ce soit déplaisant en soi, on n'a de comptes à rendre qu'à soi-même. J'attendais le retour de la fac pour retrouver un cadre. Mais pour autant, je ne serais pas prête à m'inscrire en assidu en anglais, histoire d'aller à la fac, d'avoir des heures de cours, de me faire des amis là-bas. Je ne sais plus trop ce que je veux, à vrai dire. Travailler ? Ce qui m'effraie dans le travail, c'est la routine totale, le fait d'y aller tous les jours, à telle heure, de ne pas avoir de place pour l'improvisation, pour décider de faire une chose plutôt qu'une autre. Alors j'essaie de profiter de ma condition d'étudiante, et dans l'ensemble ça roule, mais il y a des jours comme ça où on se sent au beau milieu d'un océan de projets, de choses commencées, de listes de livres à lire, et on se sent... désemparé. Un master, ce n'est QUE de l'investissement personnel. Et je trouve ça formateur aussi, ça apprend l'autodiscipline, dont j'ai besoin pour l'écriture. ça apprend à se faire confiance, à être autonome, assez régulier.
Et puis, bien sûr, avec tout ça je me suis mis beaucoup de pression, et tout à l'heure à la bibliothèque j'ai failli pleurer quand on m'a dit que mes bouquins avaient 10 jours de retard (ce qui signifie une interdiction de prêt de dix jours). J'ai peur, bien sûr, de ne pas réussir. De lâcher prise. J'ai peur que ce soit trop pour moi.
Je n'ai pas envie qu'on soit sur mon dos, je n'ai pas envie d'emplois du temps fixe, et c'est pour ça que je trouve mon compte dans ce que je fais. C'est juste que c'est pas facile tous les jours et des fois je me demande si je fais vraiment ce qu'il faut. Difficile d'avoir de l'auto-satisfaction, de cultiver l'auto-satisfaction, plutôt. Déjà, on est seul à être satisfait. J'essaie pour garder la motivation de me fixer des petits objectifs tous les jours. ça fonctionne assez bien.
J'espère que tout cela mènera à quelque chose. J'espère que je suis vraiment capable de faire ce à quoi je me suis engagée, j'espère que je ne me leurre pas sur moi-même. (double cursus, faire mon mémoire, faire de la traduction, continuer à écrire, et avoir quelques heures d'activité rémunérée...).
Enfin voilà, je vais continuer à mener ma barque et décomposer les grandes tâches difficiles en petites tâches faciles, en espérant que ça passe.

mardi 12 octobre 2010

Abrahadabra

Ecoute en direct du dernier Dimmu !

Xibir.

Une ouverture spectrale, j'ai l'impression d'entendre l'introduction d'un film d'horreur, avec cette musicalité, ces harmonies propres au groupe. Onirique.

Born Treacherous.

Une guitare assez agressive débute le deuxième morceau. On part en vitesse, avec un fond orchestral un rien grandiloquent pour ce qu'il y a devant. Il y a toujours ce côté incantatoire, urgent, démoniaque, messianique. Je reconnais des rythmes, des escaliers, des ralentissements, propres au groupe encore une fois. Ça s'affine. Ça s'organise. Une pause. On retombe dans le film d'horreur. Un sample, on dirait un prêtre qui récite quelque chose en latin. On reprend. C'est théâtral. Un bizarre chant clair se greffe. Atmosphère presque mystique. Là, les guitares recommencent à marteler. Il y a là-dedans un mélange hétéroclite plutôt surprenant. On ne sait plus trop où tendre l'oreille. Une superbe composition avec des instruments à corde qui ondoie en arrière plan. Une fin de morceau très très black.

Gateways.

On saute à l'autre morceau, avec un cadre très Spiritual Black Dimension, genre chute dans les abysses. Les guitares grincent comme le blizzard. On revient dans quelque chose de très baroque, je n'arrive pas encore à savoir si c'est bancal. Ça tressaute, ça s'envole, ça retombe, ça chevauche. Il y a une voix mi enfantine, mi féminine, qui s'élève bizarrement là où se déchaînait autrefois le superbe chant clair du bassiste (qui a été viré avec son confrère claviériste). Un petit solo de guitare pour la forme, rythmé martialement typiquement dans les harmonies du groupe. Et on repart dans cette tourmente musicale qui n'est pas sans m'évoquer les albums les plus bariolés d'Emperor. Et hop, on repart dans une structure très très épique. Un choeur féminin, chose jamais entendue encore chez Dimmu. Plutôt joli. Ça se calme, toutes les voix repartent, car il y a aussi des voix d'hommes. Jamais eu autant de chant chez Dimmu.

Chess With the Abyss.

Intro typique black metal. Des chants enchaînent, puis une ligne de voix de Shaggrath je dirais presque...joueuse. Là, il nous raconte quelque chose, il sort du pur chant black. Quelques expérimentations de guitares. On reprend le rythme, scandé par le choeur. Et on renvoit de l'orchestre, totalement grandiloquent et pourtant séduisant. On part dans un rêve de scientifique fou. Ou de sorcier ayant un peu trop consommé.

Dimmu Borgir.

Un rythme entraînant et une orchestration qui me fait penser à celle de Inactive Messiah sur leur album Be my Drug. On a là une chanson plus « posée », qui va plus dans un seul sens me semble-t-il. Ça a quelque chose de heavy aussi, très harangue au combat, genre hymne guerrier. Plutôt pas mal ! Assez surprenant là encore, Dimmu n'avait jamais rien fait d'aussi « lumineux ». Ah, et Shaggrath remet son rire diabolique, ça c'est bien sympa !

Ritualist.

Ah, ça commence par du vent. So norwegian ! Et là, surprise, une guitare accoustique. Un fond black, plutôt atmosphérique, se développe derrière. Changement de rythme, bouffées glaciales d'instruments à corde. Il y a un côté presque fantaisie, presque Alice au Pays des Merveilles, dans le son explosif, diversifié, rempli d'arabesques inattendues. Ça bouge dans tous les sens. C'est du pur Dimmu Borgir, et en même temps, on dirait qu'ils ont pris le meilleur de Cradle of Filth et ajouté une sensibilité à la magie et aux sortilèges des contes... Le chant clair du bassiste est remplacé par un autre chant pas forcément très beau, mais toujours dans des passages très narratifs. La question est : ne risquons-nous pas de nous y perdre ? Superbe accélération aux guitares électriques pour reprendre le fil de l'histoire. Oui, cet album est incroyablement narratif. Il est constitué de chapitres, de passages, de dialogues, de tirades, aussi bien instrumentales que vocales. Et il y a une certaine pureté non artificielle du son, amenée par la présence de vrais instruments, et ça, indéniablement ça s'entend, et c'est aussi ça qui donne cette qualité baroque.

The Demiurge Molecule.

Un rythme entêtant, redondant, s'installe au début de la chanson. Puis, quelque chose qui grince. Et le balancement revient, ce nouveau groove que le groupe a acquis avec Puratinical Euphoric Misanthropia et qui leur va si bien, quand ils n'en font pas un trash death du plus mauvais effet. Ici ça martèle, comme dans les meilleurs moments de l'album su-cité. Ça envoie pas mal, je dois dire. C'est aussi grandiose et dingue que Drudenhaus de Anorexia Nervosa, un bon son en plus. Je sens d'excellents headbangs en perspective ! Et là, hop ça s'arrête pour une percée d'instruments à vents qui surnagent tout à coup au-dessus de la musique, annonçant on ne sait quelle fin du monde. Et les choeurs, les guitares, l'orchestre, avancent ensemble derrière. On change de tonalité encore une fois, c'est plus intime, la voix se fait insinuante. Ça tressaute, j'ai l'impression d'être au milieu d'un spectacle de marionnettes qui aurait mal tourné, d'un cirque cosmique dont les portes s'ouvrent sur le vide (oui, Dimmu ça m'a toujours rendue poète).

A Jew Traced through Coal.

Un départ doux, comme la première scène d'un film d'horreur où l'on filme le lieu où tout va se jouer. Puis la chose se noue, encore très très black dans les rythmes et les riffs. C'est-à-dire, car il faudrait que je m'explique un peu : rapide, et puis c'est cette qualité de son inimitable, propre au black, là faut écouter pour savoir. C'est cette manière de jouer, à la fois lancinante et pressée, comme douloureuse. Au coeur du morceau il y a quelque chose d'extraordinaire, une orchestration qui rappelle The Serpentine Offering (et donc Star Wars selon certains). Mais c'est moins ample, c'est plus resserré, et très vite on change encore de tonalité, de rythme. Non, malgré tout il y a une certaine cohérence dans cette profusion. Je ne perds pas le fil mais suis emmenée dans toutes les directions. Je dois dire que c'est une expérience musicale.

Renewal.

Pour la prochaine, là encore on entre dans un truc très heavy, avec un solo de guitare plus heavy que black, le genre qu'on joue pour le plaisir d'entendre sa guitare, cela dit ça n'empêche pas qu'il soit chouette, ce solo. Et là encore, mélange des genres, on repart dans un méchant black pour le coup un peu moins mélodique. On est perpétuellement dérouté. La scène et les acteurs changent sans arrêt. Malgré tout, c'est efficace. Je me prends à remuer la tête. Là encore, je repense à Puritanical Euphoric Misanthropia (je le précise cette fois, l'un des meilleurs albums du groupe, aux côtés de Spiritual Black Dimension déjà évoqué).

Endings and continuations.

Avec un sample pour le moins louche (des bruits humides et quelque chose qui ressemble à une mastication), on entend encore ce chant profond, bas, qui fait penser au chant de Wardruna. Vous savez, ce chant un peu chamanique du genre « oooouaaaaaaaaaammmmmm » (c'est bien imité, hein). Et hop, après, un truc presque sautillant, enthousiaste comme une symphonie. Je viens d'apprendre que le bassiste de Therion était présent sur cet album, ce qui peut expliquer certains aspects musicaux. D'ailleurs je crois que c'est lui qui fait le chant clair sur ce morceau. Celui-là est bien maîtrisé, mais très inattendu dans un morceau de black metal. Là encore on a quelque chose de très hétéroclite, qui emprunte au folk, au heavy, au black, à la musique classique. Étonnant.

Gateways (orchestral)

On commence par des choeurs éthérés, on dirait presque une messe. Et là, ce que Dimmu fait de mieux éclate. C'est lumineux, déroutant, tragique et épique à la fois, une histoire dans une nuit très noire, avec des armes au clair qui brillent dans la lune. Mais les choeurs persistent, apportant une perspective biblique assez étrange. Ça se rapproche, en fait, d'un requiem. D'un opéra fantastique. D'une symphonie macabre. Ça s'élève, la tension monte. Vont-ils soutenir ce morceau jusqu'au bout, l'amener à son aboutissement ? Il continue de rouler, spectral. Il se reprend, respire, ou plutôt halète. Un épisode très doux, poignant, et toujours environné de fumées et de doutes. Ça valse dans l'air obscur. On dirait une musique de film. Ça s'effondre dans le murmure d'un rêve.

Perfect Strangers.


Et enfin, quelque chose que j'attendais : une reprise de Deep Purple. Sans commentaires, je vous laisse découvrir.


Bilan : sur le vif, album très surprenant qui effectivement marque une page dans l'histoire du groupe. Me manque un petit quelque chose cependant : la force de certaines lignes mélodiques qui ont tendance à ici se noyer. Les moments de suspension, la structure parfaite des morceaux de Spiritual Black Dimension, qui frôlaient la perfection parfois, même avec un simple clavier. La pureté mélodique, oui, c'est peut-être ça qui manque.
Cependant, un album qui porte bien son nom, et un bel album après la perte de deux musiciens très talentueux. Bonne surprise.

Deux morceaux :





Pour ceux que ça intéresse, références citées :







mardi 5 octobre 2010

Automne

En automne, ça sent la forêt dans toute la ville. Le ciel est bas et gris, mais ce ciel-là me raconte des histoires. Infailliblement, je pense à des histoires de chevaliers et de fées, je pense à des sorcières, je pense à du chocolat chaud et des goûters à la maison, je pense à des livres pas encore ouverts, à des promenades dans le parc dans des allées pleines de feuilles mortes. L'automne, c'est la saison des études, des secrets, et des histoires.


La nuit m'effraiera toujours. Quatre jours que la pluie tombe, brouillant l'horizon et les silhouettes. Tout est humide, du coup, il fait froid. Ce froid insidieux d'automne, plus néfaste que la froideur sèche et vive des mois de janvier ensoleillés. J'en ai profité pour regarder des films au chaud dans le lit, stores baissés. J'aime me cacher du monde entier.
Ce soir, j'ai allumé plus de lumières, et une petite bougie, rouge à travers sa fleur de verre, car la lumière enveloppe et rassure. Il fait trop froid sans lumière. Les journées passent, et je m'accroche, et je parviens à des résultats, mais je ne dois pas tant voir dans la durée. Tout peut s'arrêter du jour au lendemain. Il me faut une vision plus globale, moins axée sur la réalisation, même si c'est capital car malgré toutes les théories philosophiques, je vis quand même dans un temps linéaire. Enfin, d'une certaine façon en tout cas. Au plan social, au plan quotidien. Ce sont les autres plans qui peuvent m'aider à me détacher de cette compétition générale, de cette urgence du temps et de cette nécessité de faire ses preuves pour ne pas vivre une vie trop moche.
Ne jamais oublier l'essentiel. Sans quoi je me transformerai en zombie, comme tous les autres. Des zombies qu'un coup du sort réduit en poussière. Je ne veux pas laisser la vie m'avaler. Je préférerais plutôt la dévorer. La faire mienne. Non pas la contrôler, je ne le peux pas, pas dans l'absolu, mais... Le oui. La volonté de puissance nietzschéenne. Le oui inconditionnel. Car, il n'y pas de demi-mesure. C'est oui c'est non. Sinon c'est se condamner à la demi-vie.