jeudi 26 septembre 2013

Coming home




Comme depuis quelques jours, le sommeil me fuit. Mais ce soir, ce n’est pas grave, parce que je ne travaille pas demain. Je suis très contente parce que je rentre très bientôt, j’ai vu le bureau pour la dernière fois, traduit mon dernier fichier, fait ce foutu trajet une dernière fois. Alors je me sens nettement plus détendue. J’en profite pour écouter de la musique, très ancienne et nouvelle, que des chansons que j’adore, dans ma bien nommée playlist « favoris ». ça fait du bien, je me laisse aller aux évocations et aux sensations que la musique invoque. Très longtemps, voilà très longtemps, que je n’avais pas invoqué quoi que ce soit, passé ces moments d’intimité avec moi-même où je laisse fleurir en moi tout ce que le monde a fécondé. Ces heures de ténèbres où je m’entends de nouveau penser. Où le monde, même délimité à quatre murs, semble enfin s’élargir, et la perception, s’approfondir. Ces moments où je retrouve ma propre richesse, oblitérée par les sollicitations extérieures. Néantisée à l’extrême, à la fois étriquée et étirée par une simple vie quotidienne harassante. J’en reviens toujours à la même pensée : le plus difficile dans l’existence, ce ne sont pas les moments intenses de l’épreuve, mais bien l’usure aliénante du quotidien. Comme quoi, ce n’est pas parce qu’on est « ailleurs », dans un autre pays, un autre cadre, avec d’autres gens, que quoi que ce soit change vraiment. Comme un fervent croyant a besoin de son moment de prière pour parler à son dieu, j’ai besoin de ma solitude et de ma musique pour parler aux esprits. C’est comme ça que j’appelle la foule qui papillonne dans ma tête, faite de sensations, désirs, projections, souvenirs, idées, réminiscences, affleurements de l’inconscient, intuitions, échos, appels, ce feuillage qui tisse mon être. À l’écoute de tout cela, je peux de nouveau faire de la magie. Transfigurer, sublimer. Je parle autant de création artistique que de création tout court, ou plutôt re-création, processus perpétuel par lequel la vie mentale manifeste son existence. Sa respiration, en somme. Je fais de la magie, je me réinvente, me recréée. J’ouvre des portes, je tourne des pages, je prends des décisions, je laisse ma vie se transformer et me transformer. Je vieillis à l’ombre de mes pensées, sans un regret.
The trembling of the earth
I felt it since my day of birth
I was naked and alone
But now I´m coming home…

mercredi 25 septembre 2013

Bientôt la fin !



Tout ce que j’ai fait et vu en Inde, du moins dans le Texas de l’Inde, comme j’aime à appeler le Gujarat, n’a fait que me ramener plus puissamment à mon pays d’origine. J’ai vécu ce voyage sous la forme d’un exil. Alors j’y étais pour travailler, donc ce n’est pas comme si j’étais allée sur les routes, j’avais eu vraiment l’occasion de prendre du bon temps, et tout. Partir pour mieux revenir résume mon expérience ici. Pour mieux apprécier mon environnement en France, la qualité de vie, la gastronomie, les libertés individuelles. J’ai essayé, mais vraiment, je ne me suis pas habituée à la vie ici.

Il a énormément plu depuis hier, et quand il pleut, quand je dois prendre le rickshaw, j'ai l'impression d'être dans Pékin Express : difficile d'en arrêter un, ils sont tous pris ! Alors on reste au bord de la route en agitant les bras, trempés, et puis ensuite on négocie les prix... Et ce matin le rickshaw a calé dans une rue dont le bitume avait disparu sous au moins vingt centimètres d’eau. L’inégalité hommes-femmes a ceci de bon que ce sont les hommes qui sortent se mettre les pieds dans l’eau pour pousser le rickshaw, hi hi. Ici, les gens utilisent apparemment les fortes pluies comme prétexte pour ne pas aller travailler : presque tous les bureaux dans l’immeuble où je bosse étaient fermés ce matin. C’est ainsi, en Inde : tu peux être en train de bosser un samedi soir à 22h, et ne pas aller bosser en pleine semaine parce qu’il pleut. J’ai l’impression qu’ici on vit vraiment au jour le jour, sans planifier, ou si on planifie, le plan a de fortes chances de ne pas aboutir ou d’être modifié. La ponctualité est une notion inconnue. Ça a peut-être un côté rock n roll, mais dans ce contexte, c’est quelque chose que je ne parviens pas à apprécier. Je ne veux plus trop accompagner mes colocs dans les sorties le soir, notamment parce que tel resto pourra très bien être fermé, ou parce que les amis Indiens qui nous conduisent pourraient très bien insister très lourdement pour aller à tel ou tel endroit au lieu de nous ramener chez nous. Je n’aime pas non plus d’ailleurs ces restos ultra bruyants où le serveur revient toutes les deux minutes pour apporter la nouvelle tournée d’assiettes (par exemple, il revient six fois servir des parts de pizza, au lieu de les apporter toutes d’un coup), ce qui provoque encore davantage d’agitation. Profondément paradoxale, toute cette agitation, quand je repense par exemple à l’homme que j’ai vu ce matin prier devant une statue géante de Shiva hyper kitch, avec la rue bruyante et klaxonnante juste derrière. (pour les hindouistes, il n’y a pas de moment de la journée réservé à la prière, ils prient quand ils veulent, d’ailleurs on voit souvent des gens debout, face à des murs, bras tendus, et qui se semblent se triturer les doigts, en fait de loin on dirait qu’ils sont en train de pisser !) Les gens d’ici doivent être insensibles à tout cela. Eh bien c’est définitif, pas moi. J’ai besoin d’une cure de grandes étendues désertes. Le ciel et la mer. Le silence.

En attendant, je vais finir cette foutue semaine de boulot et ensuite faire mes bagages pour les plages et la bière de Goa !

mardi 10 septembre 2013

India is a wonderful country to live in!



Tous les matins, nous recevons une feuille de choux appelée Ahmedabad Mirror. Dedans, il y a une rubrique autant à pleurer qu’à mourir de rire : « ask the sexpert ».  Ce qui est effarant, c’est de voir à quel point les gens sont mal informés en matière de sexualité. Dans le pays du Kâma-Sûtra, mince !
Ce qui fait pleurer, c’est l’idéologie qui s’en dégage parfois. Voilà ce que j’ai lu aujourd’hui, par exemple :
I am a 22-year-old man. I masturbate regularly but I like to imagine men, not women, while doing so. Also, I feel attracted to men more than women. But I don’t want to be a guy who likes guy. I want to feel normal. Please help.
Et la réponse :
Make more friends with the opposite sex. During masturbation try to think of woman.
Conseil stupide en plus d’être parfaitement inutile.

Dans cette rubrique, il y a des gens qui ne savent même pas qu’ils ne peuvent pas attraper le VIH en embrassant quelqu’un.
Les sex shops sont interdits, ici. Un jour, ce sera comme partout ailleurs, et les gens en auront marre des interdictions. Je l’espère pour eux.
Je suis définitivement une héritière des Lumières : le sexe, la religion, la boisson, qu’est-ce que le gouvernement vient faire là-dedans ?

PS : la fête de Ganesh, c’est sérieusement le truc le plus bruyant du monde, mais c’est marrant :) Depuis tout à l’heure, tambours et pétards à fond la caisse !