lundi 15 mars 2010

Une chose à ajouter au billet précédent

Un hommage, un remerciement, à Hans Zimmer. Sa musique sait incarner le drame, le tragique. L'histoire. L'humain quand il meurt ; quand il prie, quand il aime.
C'est une source d'inspiration inépuisable pour moi ; il faudra que je lui dise merci, personnellement, un jour.
Mes mots sont tellement idiots. Ecoutez, essayez, s'il vous plaît, de sentir le drame. Une vie qui se joue, un dénouement, une fin, un commencement. C'est cela, le drame. Saisir l'intensité de l'instant, dans sa vérité autant que dans sa simplicité. Ce que Hans Zimmer a fait en musique, je veux le faire en littérature ; ambition sans doute un peu exagérée pour mes capacités, je le sais bien, mais ça vaut le coup d'essayer.







Mes trois grands classiques. Merci à lui. Je rêve d'avoir un studio comme lui, un jour, sauf que ce serait pour écrire, bien sûr (http://www.for-tune.de/de/images/hanszimmer.jpg)

House of the rising sun

Drinking : rosé
Listening : Loreena McKennitt - Mummers' Dance ; Cruachan - Ride on ; Corvus Corax - Suam Elle Ires ; Nine Inch Nails - Something I can never have (album version, terrifiant, je trouve...); Hans Zimmer - Now we are free ; The Old Dead Tree - Everyday life ; The Animals - House of the rising sun ; Sia - Breathe me ; Saez - Delphine et Hyppolite ; Ludivico Einaudi - Primavera

Avez-vous l'impression que parfois chaque jour, et en particulier, chaque soir, est une lutte ? Contre le vide, contre l'angoisse, contre l'apathie. J'épice mon univers de musique et de vin. J'ai écrit, ce soir, mais chaque fois que j'écris ; j'ouvre la boîte de Pandore. Des émotions me sautent au visage, anciennes et neuves, sans mélange, brutales. Cela me fait un peu peur. Je crois que j'ai besoin d'une bulle de temps et de silence, chaque jour, si je veux écrire. Car très vite je suis perdue, à la dérive entre deux mondes, et je ne peux aisément revenir à la réalité, et ne suis alors disponible pour personne, sauf peut-être un esprit bavard, lunatique et rêveur qui se trouverait sur la même longueur d'onde que moi à ce moment. Ce qui n'arrive donc que très rarement. Je me perds si vite et si facilement. Je décroche. J'ai une armée de rêves et de souvenirs qui se battent en duel dans mon ciel intérieur trop changeant. La musique me nourrit et me sculpte à coups de haches. Je change d'apparence à mesure que s'écoulent les notes. Il faudrait que je sache assumer cette dérive intérieure, mettre un panneau : "c'est plus la peine de m'approcher, à moins que tu me parles en langage surréaliste." Vous comprenez ? Des fois je m'en veux de m'exiler si facilement. Et encore, je dis ça, mais non, ça n'est pas facile. Il me faut parfois des heures pour féconder la nuit entière.
Disons que cette attitude me semble parfois narcissique. Mais je n'y peux rien. Mais je me sens toujours coupable.
Et c'est fragile, si fragile. le charme s'évapore trop vite. Ce n'est pas tout à fait compatible avec le solitude totale ; la preuve, j'éprouve le besoin d'écrire ici. Ce n'est pas non plus compatible avec le quotidien et les masques. Car quoiqu'on en dise, on en utilise tous, tout le temps. C'est compatible avec la fureur de vivre. Et c'est tout.
Quand ça vient, le monde me semble soudain étranger, comme dans un rêve. Tout me paraît démesuré et infini. C'est pourquoi souvent j'en appelle à Dionysos. Les Grecs avaient un nom pour l'ivresse (et je parle d'une ivresse plus spirituelle que celle qu'induit l'alcool, l'alcool ne fait que soutenir et parfois épanouir cette ivresse-là). Il nous manque un nom pour ça. Il nous manque un espoir pour le faire vivre (lapsus, je voulais dire un espace, mais les deux mots conviennent...) Les chantres de l'imaginaire n'en ont pas plus qu'un cadre trentenaire dynamique. Il manque quelque chose. Putain, vous trouvez pas qu'il manque quelque chose ?
Un soir comme ça j'ai envie de vous écrire la plus belle tragédie que vous ayez jamais lu... Mais ça ne se fait pas sans travail... Du coup, j'ai envie de vous donner des poèmes, des paroles qui me semblent paroles d'évangiles... Mais, non. C'est ainsi. Une écriture est faite d'hésitations et d'angoisse. Que cela reste ainsi.
Tout cela est très décousu je le sais bien, mais je ne peux faire mieux. De toutes façons, personne n'est obligé de lire, ce qui me délivre a priori de toute culpabilité de raconter absolument tout ce que je veux. Mais tout est "a priori" dans ce monde, même les valeurs les plus fondamentales...
Je veux élaguer la vie. La rendre à sa pure nécessité, à sa beauté. Primitif et orgueilleux. Qu'est-ce qui restera de nous ? Pour ma part, ce sera quelques soirées de beuverie, quelques couchers de soleil, quelques baisers, quelques concerts. C'est presque tout. Que reste-t-il ? C'est une question qui m'obsède, lorsque le quotidien s'encombre d'inutile. Quelques saveurs, une odeur de pin, l'air du soir en plein été lorsque la rosée est tombée. Quelques chansons qui tombent dans le silence. Quelques personnes à la lisière, même si je sais que everyone goes away, in the end...
Je ne peux supporter de laisser tout en l'état. Il faut sans cesse que je transforme, que je sculpte, que je dise. ça me fait autant de mal que de bien ; j'en ai l'impression certains soirs, surtout ceux-là, où le chemin qui m'emmène va plus profond dans la mélancolie. La nostalgie y joue aussi, étrange. Je ne suis pas vieille, ce ne sont pas mes vingt ans que je regrette. Et pourtant, je suis sure de connaître ce sentiment. Qui dépasse des années, des villes, des personnes. C'est difficile à exprimer.
Voilà, il ne reste plus rien de tout cela qu'une vague incertitude. Parfois je me dis que la seule manière d'aller jusqu'au bout de mon vertige, ce serait de mourir. Je n'ai pas envie de mourir. Mais comme je mourrai un jour, j'aimerais que ce soit comme cela, appelée au-delà de moi-même par la musique et la poésie.

"On ne peut ici-bas contenter qu'un seul maître!"
Mais l'enfant, épanchant une immense douleur,
Cria soudain: "Je sens s'élargir dans mon être
Un abîme béant; cet abîme est mon coeur!

"Brûlant comme un volcan, profond comme le vide!
Rien ne rassasiera ce monstre gémissant
Et ne rafraîchira la soif de l'Euménide
Qui, la torche à la main, le brûle jusqu'au sang.

"Que nos rideaux fermés nous séparent du monde,
Et que la lassitude amène le repos!
Je veux m'anéantir dans ta gorge profonde
Et trouver sur ton sein la fraîcheur des tombeaux!"

- Descendez, descendez, lamentables victimes,
Descendez le chemin de l'enfer éternel!
Plongez au plus profond du gouffre, où tous les crimes,
Flagellés par un vent qui ne vient pas du ciel,

Bouillonnent pêle-mêle avec un bruit d'orage.
Ombres folles, courez au but de vos désirs;
Jamais vous ne pourrez assouvir votre rage,
Et votre châtiment naîtra de vos plaisirs.

Jamais un rayon frais n'éclaira vos cavernes;
Par les fentes des murs des miasmes fiévreux
Filtrent en s'enflammant ainsi que des lanternes
Et pénètrent vos corps de leurs parfums affreux.

L'âpre stérilité de votre jouissance
Altère votre soif et roidit votre peau,
Et le vent furibond de la concupiscence
Fait claquer votre chair ainsi qu'un vieux drapeau.

Loin des peuples vivants, errantes, condamnées,
À travers les déserts courez comme les loups;
Faites votre destin, âmes désordonnées,
Et fuyez l'infini que vous portez en vous!

Baudelaire: Les Fleurs du mal, Femmes damnées (1861)

samedi 13 mars 2010

J'ai tout appris de toi, jusqu'au sens du frisson...

Je voudrais rendre hommage à Jean Ferrat qui est mort aujourd'hui...
(Décidément Gwen tu as vraiment été nul sur le pronostique...)

Merci à lui pour ses belles chansons qui ont bercé mon enfance, et qui continuent aujourd'hui à me rendre le sens du frisson...





jeudi 4 mars 2010

Ich bin ein Stern...

Retombée hivernale. Le black metal passe partout en moi, glacé et purifiant comme un torrent de montagne. Le crépuscule se hâte d'effacer les couleurs du vaste ciel immobile.
Le black metal me fait toujours cet effet : celui d'une révélation brutale, hallucinée. D'un homme qui tombe à genoux dans l'obscurité des bois où la limpidité désespérante d'une plaine vide. Le poids du ciel... C'est le poids du ciel qui lui fait voûter les épaules et courber le front, écrasé par la grandeur. Le cri qui jaillit est celui qui est extrait des entrailles serrées, du coeur prêt à exploser, de la respiration acérée, presque arrêtée. C'est la solitude et la vitalité les plus noires, les plus absolues.
Forest Silence, Dimmu Borgir, Totalsefhatred savent manier comme personne ces pauses douloureuses, ces cris démesurés, cette tristesse si énorme qu'elle engloutit toute la vie, et devient la vie même. Je dérive dans des strates musicales, portées par le crépuscule qui s'est figé. Tout diminue autour de moi ; et c'est étrange, c'est au coeur de cette noirceur abrupte, presque cruelle, que se trouve une lumière inextinguible, violente à sa manière, qui palpite au fond de ces vagues d'absurdité et de douleur, qui surnage et parfois s'envole à la manière d'une houle, s'effilochant dans l'atmosphère, creusant l'air, ceusant les poumons qui la respirent, se répandant dans la tête dans un vertige...
Oui, le black metal est le cri d'un homme à genoux qui hurle devant la splendeur du monde.




mercredi 3 mars 2010

I am the passenger and I ride and I ride...

Drinking : beer
Listening : The Stooges - 1969 ; Sex Pistols - Seventeen ; Sid Vicious - I killed the cat ; The Dictators - I live for cars and girls

Qu'est-ce qui m'a donné cette humeur punk, me direz-vous ? Eh bien, un concert des Lorans Outang à l'université en plein cours de littérature contemporaine, et une après-midi passée à déchiffrer des micro fiches à l'université (ça donne soif !). On ne peut pas plus Rennes II-Rohazon-like que ce petit concert idiot et réjouissant, avec plein de reprises super cool, qui donnaient à l'analyse de de Houellebecq et ses Particules élémentaires, et de Emmanuel Carrère et son Adversaire une saveur particulière, comme vous pouvez l'imaginer. Et mon prof aime les Ramones, belle découverte ! (Frank Wagner, pour Kalys qui verra de qui je parle)
Donc, pour vous mettre un peu de bonne humeur :

mardi 2 mars 2010

Ô capitaine, mon capitaine !

Walt Whitman, poème rédigé à l'occasion de l'assassinat du Président Lincoln, en 1865.
O Captain! My Captain!
O Captain! My Captain! our fearful trip is done;
The ship has weather'd every rack, the prize we sought is won;
The port is near, the bells I hear, the people all exulting,
While follow eyes the steady keel, the vessel grim and daring
But O heart! heart! heart!
O the bleeding drops of red,
Where on the deck my Captain lies,
Fallen cold and dead.


O Captain! My Captain! rise up and hear the bells;
Rise up-for you the flag is flung-for you the bugle trills;
For you bouquets and ribbon'd wreaths-for you the shores a-crowding;
For you they call, the swaying mass, their eager faces turning
Here Captain! dear father!
This arm beneath your head;
It is some dream that on the deck,
You've fallen cold and dead.


My Captain does not answer, his lips are pale and still;
My father does not feel my arm, he has no pulse nor will;
The ship is anchor'd safe and sound, its voyage closed and done;
From fearful trip the victor ship comes in with object won
Exult, O shores, and ring, O bells!
But I with mournful tread,
Walk the deck my Captain lies,
Fallen cold and dead.
Ô Capitaine ! Mon Capitaine !
Ô Capitaine ! Mon Capitaine ! Notre voyage effroyable est terminé
Le vaisseau a franchi tous les caps, la récompense recherchée est gagnée
Le port est proche, j'entends les cloches, la foule qui exulte,
Pendant que les yeux suivent la quille franche , le vaisseau lugubre et audacieux.
Mais ô cœur ! cœur ! cœur !
Ô les gouttes rouges qui saignent
Sur le pont où gît mon Capitaine,
Étendu, froid et sans vie.


Ô Capitaine ! Mon Capitaine ! Lève-toi pour écouter les cloches.
Lève-toi: pour toi le drapeau est hissé, pour toi le clairon trille,
Pour toi les bouquets et guirlandes enrubannées, pour toi les rives noires de monde,
Elle appelle vers toi, la masse ondulante, leurs visages passionnés se tournent:
Ici, Capitaine ! Cher père !
Ce bras passé sous ta tête,
C'est un rêve que sur le pont
Tu es étendu, froid et sans vie.


Mon Capitaine ne répond pas, ses lèvres sont livides et immobiles;
Mon père ne sent pas mon bras, il n'a plus pouls ni volonté.
Le navire est ancré sain et sauf, son périple clos et conclu.
De l'effrayante traversée le navire rentre victorieux avec son trophée.
Ô rives, exultez, et sonnez, ô cloches !
Mais moi d'un pas lugubre,
J'arpente le pont où gît mon capitaine,
Étendu, froid et sans vie.