mercredi 8 septembre 2010

Nocturne...



Ça monte avec la nuit, nourri d'ombre. Les propos de Jankélévitch me donnent la chair de poule, chose tellement rare en littérature ! La musique entre en moi et me violente, mais les mots rarement parviennent à me secouer par leur seule force poétique. La dernière fois, c'était quand ? Il faudrait plutôt dire, c'était qui. Nietzsche, Généalogie de la morale. Baudelaire, encore, toujours. Henry Miller, Jean Giono. Leurs passions dionysiaques allument le feu de Dieu en moi. Alessandro Baricco, probablement, aussi.
Avez-vous déjà eu des frissons en lisant un livre ?
J'en ai eu au début de Duma Key, de Stephen King. L'acte créateur était saisi dans sa brutalité, son essence. La voix de l'écrivain débordait tellement dans celle de son personnage, j'avais l'impression qu'il me parlait directement. (c'est un livre, au passage, servi pour une fois par une bonne traduction).
Je vous offre ces mots de Jankélévitch. Je cherche, et ne lui trouve pas d'activité poétique, seulement critique et théoricien... Comme c'est étrange ! Jugez par vous-mêmes :
« L'obscurité est bonne conductrice : dans le noir toutes sortes de communications magiques se nouent entre les âmes ; et le courant n'exige plus, pour passer, des moyens termes au contact, mais il s'établit aussi immédiatement que l'éclair ; véhicule de toutes les puissances « sympathétiques » du monde, il circule entre les âmes, comme circulent, dans l'éther, les influences astrales. La nuit, c'est l'immanence. Le sabbat des qualités, qui se célèbre à minuit, rend vraisemblables les analogies les plus bizarres, les calembours et les accouplements les plus saugrenus. A minuit tout est permis ; n'importe quoi déteint sur n'importe quoi, et chaque être participe de tous les êtres. Comme l'imagination devient légère et merveilleusement absurde au clair de lune ! La voici qui gambade avec les salamandres et les esprits élémentaires dans la prairie violette, qui respire à pleine poitrine le fluide de minuit... Finis, les travaux forcés de la médiation, et la patience, et le labeur, et l'étroitesse ! L'armée immense des possibles envahit les chemins de la causalité, et les contradictoires nouent dans l'ombre toutes sortes de pactes occultes. »

« Ainsi l'âme romantique n'est plus isolée dans le monde : en revenant aux nains et aux esprits de la terre, elle a guéri la solitude où trois siècles de civilisation classique avaient laissé le romantisme français. Pour se guérir tout à fait et entendre les conseils qui viennent du fond de l'occident, il faut aimer beaucoup la nuit, la chercher même durant le jour, là où on peut la trouver, dans les forêts et dans les cathédrales. « La nuit est profonde là-bas » ; mais elle est affectueuse, transparente et fraternelle. Le mystère de la nuit ne se révèlera pas aux bourgeois qui la passent à dormir dans leur lit, mais seulement aux fantasques qui cherchent l'ombre parce qu'ils ont trop aimé la lumière. »

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