jeudi 15 juillet 2010

Non

« Une grande tour d'argent et de verre

Se dresse devant moi
Je me dois de la gravir
Atteindre mon but
Toucher le ciel
...Ce Ciel!

Mon premier pas est lourd
Il écrase une marche
Mon second essaye de faire oublier le premier
Ce long escalier qui me jauge a l'air complice avec le ciel et l'infini

Marche après marche, je monte cet enfer
Le vent glacial cisaille ma peau et viole mon antre
Que vais-je trouver en haut?
L'amour, la force la vaillance
Ou peut-être l'espoir, la haine
Peu importe je dois monter
Je dois monter

J'aperçois un aigle
Il grave son nom dans les nuages
Il a l'air libre
Je veux l'atteindre
Je dois l'atteindre

Les gouttes de sueur qui perlent sur mon front
Me rappellent que je ne suis qu'un tas d'os
Un tas d'os & d'eau

Je ne peux plus me reposer
Je ne dois plus m'arreter
Si je veux trouver la paix
Je dois monter

Cent jours ont passé
Je suis enfin au sommet
Ici tout est plus clair
Tout est plus beau
Je surplombe les nuages
Et les anges...

Rien ni personne ne m'y attendait
Ou peut-être, le repos
Je m'assieds doucement
Mes chevilles craquent, Je tombe
Mes yeux se ferment, la fatigue

A présent, je me sens mourir
Et je sais pourquoi je suis venu
Jusqu'ici »



Ça monte en moi comme la marée.
Violent et doux à la fois, c'est un arrachement silencieux du sol et de mes amarres, qui se situent entre mes côtes. Le coeur qui s'accélère, un vertige qui traverse la tête. Les pulsations de la musique qui tapent dans ma poitrine. La musique est comparable à un souvenir. Quand on l'écoute, la nostalgie survient parfois, inattendue car le morceau n'est lié à aucun souvenir, sinon peut-être un souvenir de soi. Ça résonne dans la nuit qui s'est agrandie, ce temple où tant de profanes ont déposé leurs larmes et leurs insomnies.
Je monte, je monte avec les sons, avec la litanie. Comment se finit cette chanson ? Est-ce l'histoire d'un suicide ou d'une révélation ?
Je dois monter...
Je dois monter...
Je ne sais pourquoi ça me bouleverse.
Je dois l'atteindre...
Peut-être parce que je ne cesse de chuter moi ici, de chuter en voulant me perdre dans le ciel. Parce que je ne cesse de confondre la vie et la mort. La joie et la douleur.
Parce que je ne cesse de gravir des montagnes pour atteindre mon but, toucher le ciel... Jusqu'à ce que je me sente mourir... Et je sais alors pourquoi je suis ici. Si la fin est de mourir, laissez-moi mourir à ma manière. Laissez-moi consumer ma vie, au moins elle est feu, plutôt que cendres. Ce qu'on m'a montré de la vie ne me donne pas envie de la vivre. Seuls comptent les déserts, les forêts, les pensées absurdes, les idées folles, les trous dans le temps, les galaxies, les trous noirs, les étoiles lointaines, les battements de coeur, le désir si violent qu'on désirerait qu'il cesse ; seuls comptent les causes perdues, les rêves inaboutis, l'extase, la joie, la joie par-dessus tout, et non le bonheur, la joie, car elle est source de toute vie, elle est début et fin, et non perpétuelle continuité. Elle est l'éphémère, l'éclat, le jaillissement, la désespérance.
J'aime la vie, mais pas la vie qui est faite de survie et de conformité à ce qu'on attend de nous. Survivre, mais à quoi bon ? Plutôt mourir à petits feux des suites du poison.
Je suis redevenue adolescente. Non, la vie ne m'intéresse pas. Pas cette vie-là. Dans me rébellion d'adolescente, je voudrais dire : vous pouvez-vous vous la carrer où je pense, cette vie. Même si je l'accepterai histoire d'avoir le droit de vivre en parallèle ma folie. A moins que je n'en sois pas capable toute ma vie. Je n'en sais rien.
Mais demandez-vous, posez-vous ce dilemme d'Antigone : doit-on dire oui ? Sachant qu'on a le pouvoir de dire non ? Nous avons toujours le choix, entre la vie et la mort. Personne ne s'en souvient aujourd'hui, où la mort est devenue notre pire ennemie. Personne ne se demande pourquoi vivre, qui est une question bien plus importante que pourquoi mourir.
« ANTIGONE :Vous me dégoûtez tous avec votre bonheur ! Avec votre vie qu'il faut aimer coûte que coûte. On dirait des chiens qui lèchent tout ce qu'ils trouvent. Et cette petite chance pour tous les jours, si on n'est pas trop exigeant. Moi, je veux tout, tout de suite , - et que ce soit entier – ou alors je refuse ! Je ne veux pas être modeste, moi, et me contenter d'un petit morceau si j'ai été bien sage. Je veux être sûre de tout aujourd'hui et que cela soit aussi beau que quand j'étais petite – ou mourir.
CREON : Allez, commence, commence, comme ton père !
ANTIGONE : Comme mon père, oui ! Nous sommes de ceux qui posent les questions jusqu'au bout. Jusqu'à ce qu'il ne reste vraiment plus la petite chance d'espoir vivante, la plus petite chance d'espoir à étrangler. Nous sommes de ceux qui lui sautent dessus quand ils le rencontrent, votre espoir, votre cher espoir, votre sale espoir ! »
[Jean Anouilh]

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