Discussion des plus étranges hier avec
mes colocs. En fait, Jérôme nous proposait de sortir ce soir. Avec qui,
demande-t-on. Avec un gars dont je ne me souviens plus le nom. Je demande qui
il est. Eh bien c’est quelqu’un qu’ils ont rencontré…au supermarché. Je n’ai
pas eu les détails de la rencontre, mais enfin, je dis, c’est quand même
bizarre de donner son numéro à un parfait inconnu qu’on a rencontré dans un
supermarché. On m’explique que non, pas tant que ça, soit, mais ce n’est pas
encore ça qui est bizarre. Le gars semble avoir un intérêt particulier à
connaître Jérôme, parce qu’il est Noir, et que ça court vraiment pas les rues
par ici. Là, je trouve vraiment ça très bizarre. Et Camilla de me
demander : si tu rencontrais une Indienne en France et que vous commenciez
à discuter, tu n’aurais pas envie de la revoir ? Ben… Non. Et c’est cela
qui surprend mes colocs. Je me contrefiche de la nationalité des gens, perso.
Je veux pas voir quelqu’un parce que
il est Haïtien, Japonais, ou Norvégien (ah là, quoi que… Mince, je
m’auto-casse :) Enfin bref. J’ai du mal à comprendre cette façon de voir
les choses. Mes colocs sont vraiment sympas mais ils sont vraiment
incroyablement sociables. Je me demande si ça leur arrive d’avoir envie d’être
seuls. Échanger, parler, parler, parler. Multiplier les rencontres. Sortir à la
première occasion.
Mon patron m’a demandé pourquoi je
ne voulais pas aller à Mumbai. Je lui ai maladroitement expliqué que j’étais
mal à l’aise dans les grandes villes. Lui et Camilla essaient de me convaincre
que si, il faut que j’y aille. Pas facile d’expliquer que j’ai déjà du mal à
prendre plaisir à mon séjour ici. Que je ne me sens pas bien ici. Voilà, c’est
dit. Je ne me sens pas bien ici. Et je veux rentrer :) Pas de panique, ça
va, et j’irai au bout de mon séjour. Et je reste positive. Et je ne regrette
rien de ma démarche. Ce voyage me conforte dans ce que je crois savoir de
moi-même, c’est tout. J’y apprends à surmonter mes peurs. On est tous très
différents. Si cela revient sur le tapis, j’essaierai peut-être d’expliquer à Camilla
que rien que le fait de venir ici était déjà un gros challenge pour moi.
Presque chaque jour est un challenge. Aller acheter des légumes est un
challenge (challenge réussi, d’ailleurs j’essaierai de revoir les mêmes
vendeurs, une mère et son fils ados, ils sont adorables, ce qui n’est pas le
cas de tout le monde ici).
Cela dit, je m’entends globalement
bien avec mes colocs. Le seul problème, c’est quand les deux filles sont là,
car elles sont toutes les deux très bavardes et parlent fort, pas facile de
s’intégrer à la conversation. C’est plus facile quand il y en a juste une sur
deux :) Ce qui est chouette, c’est qu’on peut apprendre des trucs sur nos
cultures respectives, mais aussi sur nos langues, et c’est assez amusant
souvent :) Et puis Jérôme et Aïda qui sont là depuis un moment nous
parlent aussi de ce qu’ils connaissent de l’Inde. Et ce que j’apprends encore
sur le Gujarat confirme le fait que je n’aime pas particulièrement l’état
d’esprit ici. Par exemple, il est apparemment difficile de trouver un appart
quand on est célibataire, quand on est en couple sans être marié, ou quand on
est un étranger. Je trouve que ce genre de choses donne une bonne idée de
l’ambiance. J’en parlais à Nath, fait divers que j’ai lu l’autre jour :
une femme, désespérée de ne mettre au monde que des filles, s’est immolée par
le feu avec ses deux gamines de quatre et six ans. Alors d’accord, ça reste un
fait divers, d’accord, les mentalités commencent à changer. Mais ça reste un
pays sexiste et quand tu es une femme, tu n’es apparemment pas un être humain
comme les autres, tu es une femme.
Bon, et aussi, en parlant de retour,
les détails de mon voyage ont un peu changé. Je n’ai pris mon billet qu’hier,
et j’ai bien fait, car en fait on ne va rentrer de Goa que… le premier octobre.
Dans l’après—midi. Ce qui signifie que juste après, dans la nuit, vers 2h30 du
matin, on part à l’aéroport (Camilla a un avion à peu près à la même heure que
moi, le mien est à 04h45). Cette fois je prends Qatar Airways et je fais une
courte escale à Doha. Je serai à Paris le mercredi 2 octobre à 14h30 (le voyage
dure en tout à peu près 13h, je crois. Autant dire que je vais arriver
décalquée comme jamais.
En tout cas la santé ça va, à part
quelques maux de ventre, j’ai réussi à m’habituer à la chaleur et je dors
correctement. Je reviendrai sans doute avec quelques carences faute de savoir
vraiment m’alimenter avec les produits locaux, et de ne pas prendre vraiment le
temps d’acheter tout ce qu’il faut, mais j’essaie d’équilibrer quand même. C’était
la parenthèse destinée aux parents inquiets ;)
Tiens, hier, j’ai regardé Life of
Pi, c’était pas mal ! De belles images, en tout cas, et une jolie
histoire. Au début je croyais que c’était hyper neu-neu, mais en fait pas tant
que ça. Comme c’était l’histoire d’un Indien, je me suis dit que c’était de
circonstance :) Et j’aime beaucoup l’acteur qui raconte l’histoire. À voir !
Mes colocs m’ont fait découvrir leur
collection de films Indiens, et j’ai regardé Don, un thriller à l’intrigue
assez bien foutue, mais j’ai été assez surprise par les…chansons en plein milieu.
Cela dit, il était assez drôle, alors j’ai bien aimé. Oui, en somme, c’était
une comédie thriller avec des chansons… Welcome to Bollywood ! Voici une
des chansons du film, sans les sous-titres désolée. Notre héros, en cavale
accompagné de sa belle, raconte ses malheurs à une bande de fêtards après avoir
consommé un peu trop de lait à la marijuana. Le refrain c’est « Eating a
paan from Benares », et le paan c’est une préparation de feuilles magiques
et de tabac. (par feuilles magiques j’entends des feuilles qui te font rigoler,
mais c’est pas de la marijuana). Comme quoi, il semble y avoir un gouffre entre
certaines productions bollywodiennes et la réalité dans certains endroits du
pays…
Voilà, voilà. Je redécouvre chaque
jour la signification de la formule « There is no place like home »,
vous me manquez tous beaucoup beaucoup !
Euh... Ouais, alors... Je sais, je suis une méchante misanthrope asociale, mais moi, un mec qui me laisse son numéro parce que je suis noir(e)... Je me dis qu'il me confond avec un(e) prostitué(e). Très clairement. Je trouve que tu as tout à fait raison : non, on ne va pas boire un verre avec quelqu'un juste parce qu'il est ceci ou cela. Et je sais que c'est bien d'être moins méfiant que moi, mais c'est un peu un réflexe de survie, non ??
RépondreSupprimerEt Mumbai, ton patron tient à t'y accompagner ? Nan parce que c'est facile d'insister pour que tu visites une ville dans laquelle LUI ne se fera ni mater ni violer. Après s'il tient à te suivre partout pour couvrir tes arrières et te faire découvrir la culture c'est autre chose.
Je trouve ça assez normal que tu n'ais pas envie de visiter et je vais te dire, tes collocs ont l'air très gentils, mais ils ont aussi l'air de saletés de hippies :P
Je pense que tu dois simplement assumer la manière dont tu te sens, ne pas avoir peur de passer pour ci ou ça. Même s'ils ne comprennent pas, ils ne seront pas embêtés, alors que si tu donnes l'impression de douter, d'être intimidée, de pas savoir... C'est là que tu te mettras à l'écart, je pense. Parce qu'on ne sait pas toujours quoi faire avec un(e) inconnu(e) en quête de réconfort :)
Je trouve aussi qu'on dirait que tes collocs, à force d'ouverture d'esprit, ne réfléchissent pas plus que ça. Dans une très moindre mesure, ça me fait penser à quand on a traversé le Kansas : ce n'est pas parce que les gens y sont sympas que je me suis sentie bien. Comme toi, je ne peux pas me détacher de la réalité des lieux. C'est même limite, éthiquement parlant, de tout trouver "cool" du moment que c'est chez les autres...
'fin voilà, je vais pas faire une tartine, mais je suis à fond avec toi !!
Bisous !!
Merci !
SupprimerOui effectivement Jérôme avait des doutes sur les motivations de ce gars, et finalement d'ailleurs la sortie ne s'est pas faite, ils sont sortis manger avec la journaliste espagnole et d'autres étrangers.
J'ai expliqué aujourd'hui à Jérôme que je n'aimais pas spécialement sortir, que c'était simplement dans mon caractère, et il a très bien compris et a dit qu'il n'allait pas me juger là-dessus, qu'on avait passé l'âge pour ce genre de choses, donc ça va :)
Effectivement ils ont un côté un peu hippie. Et Camilla trouve tout "amazing", c'en est presque agaçant à force, et ça donne cette impression, comme tu dis, que c'est cool parce que c'est ailleurs.
Et Jérôme, lui, comprend que je ne veuille pas aller à Mumbai. Pendant ses congés il est allé avec Aïda à Dehli, et il a détesté, donc il comprend :)
Pour mon patron, il a pas insisté non plus, c'est juste que ça me plaçait dans une situation inconfortable.
Bon après cette discussion avec Jérôme, je pense que ça va aller mieux. J'assume, et je ne ferai que ce que j'ai envie de faire :)
Et au fait, Régine m'a écrit pour avoir des nouvelles, je lui ai répondu, et elle m'a dit que l'amie de Yohan, qui a été en Inde l'hiver dernier, a eu les mêmes impressions que moi. ça rassure :)
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