samedi 14 mai 2011

On the road again

J'ai repris mon cahier à rêves. Il est temps de faire revenir la magie dans ma vie. L'été et ses promesses s'allongent de nouveau sur mon horizon. Je me réconcilie avec moi-même. La joie. Je l'ai cherchée, et souvent trouvée. J'ai aimé, longuement et profondément, et il est resté. Plus que jamais j'ai envie de le ravir et l'enchanter. Je ne sais pas combien de temps durera ma vie. Mais c'est en vain qu'on construit, si on ne perd l'essentiel. Si rien ne me reste, j'aurai besoin de ça. Besoin de cette lueur qui est revenue et qui habite ma poitrine juste en dessous du coeur. Cette lueur qui parfois grossit et rayonne à travers mes os. Cette lumière que je suis la seule à voir. Peut-être... peut-être que parfois elle coule à travers mes mots. Peut-être que parfois on l'aperçoit qui ruisselle sur moi. Je l'espère. Parce que je la porte en moi comme on porte l'infini. Je consignerai chaque rêve, du plus infime au plus grand. Parce qu'ils sont mon univers autant que le vôtre. Ils voyagent dans la réalité sans se faire remarquer. Plus importants que la pluie. Ils rentrent dans la terre et c'est pour ça que le soir, il y a tant de parfums dans les ténèbres. Mon coeur a recommencé à battre. Je sens mon corps partager le monde avec une infinie lenteur. Je n'ai plus aucune crainte. C'est comme voir le soleil se lever après une nuit blanche. J'entends le même chant que quand j'étais toute petite, à rêvasser dans les champs en espérant tomber dans le terrier du lapin. L'autre jour chez mes parents, j'ai marché dans un champ avec des herbes grandes comme mes jambes. J'ai regardé le soleil se lever et se coucher. Et puis je suis revenue à la ville me remettre à mes travaux. Et par hasard ce soir, sans même y penser, j'ai retrouvé le lapin blanc. Je l'ai suivi. Je regardais une série, et puis j'ai pensé à mon cahier à rêves. Je l'ai pris, j'ai relu quelques rêves de 2003, et puis j'ai tourné une page et écrit quelques lignes. Et... Voilà. Juste comme ça, je suis redevenue moi-même.

dimanche 1 mai 2011

Morceaux choisis (III)

Même devinette :) (première moitié du dix-neuvième, romantique, mais ça, ça se voit je crois :)

Le Christ aux Oliviers (référence à la transfiguration : Luc 9.28-36 La transfiguration de Jésus
9.28 ¶ Environ huit jours après qu'il eut dit ces paroles, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il monta sur la montagne pour prier.
29 Pendant qu'il priait, l'aspect de son visage changea, et son vêtement devint d'une éclatante blancheur.
30 Et voici, deux hommes s'entretenaient avec lui: c'étaient Moïse et Elie,
31 qui, apparaissant dans la gloire, parlaient de son départ qu'il allait accomplir à Jérusalem.
32 Pierre et ses compagnons étaient appesantis par le sommeil; mais, s'étant tenus éveillés, ils virent la gloire de Jésus et les deux hommes qui étaient avec lui.
33 Au moment où ces hommes se séparaient de Jésus, Pierre lui dit: Maître, il est bon que nous soyons ici; dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Elie. Il ne savait ce qu'il disait.
34 Comme il parlait ainsi, une nuée vint les couvrir; et les disciples furent saisis de frayeur en les voyant entrer dans la nuée.
35 Et de la nuée sortit une voix, qui dit: Celui-ci est mon Fils élu: écoutez-le!
36 Quand la voix se fit entendre, Jésus se trouva seul. Les disciples gardèrent le silence, et ils ne racontèrent à personne, en ce temps-là, rien de ce qu'ils avaient vu.)

Dieu est mort ! le ciel est vide...
Pleurez ! enfants, vous n’avez plus de père !

Jean-Paul

I

Quand le Seigneur, levant au ciel ses maigres bras
Sous les arbres sacrés, comme font les poètes,
Se fut longtemps perdu dans ses douleurs muettes,
Et se jugea trahi par des amis ingrats ;

Il se tourna vers ceux qui l’attendaient en bas
Rêvant d’être des rois, des sages, des prophètes...
Mais engourdis, perdus dans le sommeil des bêtes,
Et se prit à crier : « Non, Dieu n’existe pas ! »

Ils dormaient. « Mes amis, savez-vous la nouvelle ?
J’ai touché de mon front à la voûte éternelle ;
Je suis sanglant, brisé, souffrant pour bien des jours !

« Frères, je vous trompais : Abîme ! abîme ! abîme !
Le dieu manque à l’autel où je suis la victime...
Dieu n’est pas ! Dieu n’est plus ! » Mais ils dormaient toujours !...


II

Il reprit : « Tout est mort ! J’ai parcouru les mondes ;
Et j’ai perdu mon vol dans leurs chemins lactés,
Aussi loin que la vie en ses veines fécondes,
Répand des sables d’or et des flots argentés :

« Partout le sol désert côtoyé par les ondes,
Des tourbillons confus d’océans agités...
Un souffle vague émeut les sphères vagabondes,
Mais nul esprit n’existe en ces immensités.

« En cherchant l’œil de Dieu, je n’ai vu qu’un orbite
Vaste, noir et sans fond, d’où la nuit qui l’habite
Rayonne sur le monde et s’épaissit toujours ;

« Un arc-en-ciel étrange entoure ce puits sombre,
Seuil de l’ancien chaos dont le néant est l’ombre,
Spirale engloutissant les Mondes et les Jours !


III

« Immobile Destin, muette sentinelle,
Froide Nécessité !... Hasard qui, t’avançant
Parmi les mondes morts sous la neige éternelle,
Refroidis, par degrés, l’univers pâlissant,

« Sais-tu ce que tu fais, puissance originelle,
De tes soleils éteints, l’un l’autre se froissant...
Es-tu sûr de transmettre une haleine immortelle,
Entre un monde qui meurt et l’autre renaissant ?...

« Ô mon père ! est-ce toi que je sens en moi-même ?
As-tu pouvoir de vivre et de vaincre la mort ?
Aurais-tu succombé sous un dernier effort

« De cet ange des nuits que frappa l’anathème ?...
Car je me sens tout seul à pleurer et souffrir,
Hélas ! et, si je meurs, c’est que tout va mourir ! »


IV

Nul n’entendait gémir l’éternelle victime,
Livrant au monde en vain tout son cœur épanché ;
Mais prêt à défaillir et sans force penché,
Il appela le seul — éveillé dans Solyme :

« Judas ! lui cria-t-il, tu sais ce qu’on m’estime,
Hâte-toi de me vendre, et finis ce marché :
Je suis souffrant, ami ! sur la terre couché...
Viens ! ô toi qui, du moins, as la force du crime ! »

Mais Judas s’en allait, mécontent et pensif,
Se trouvant mal payé, plein d’un remords si vif
Qu’il lisait ses noirceurs sur tous les murs écrites...

Enfin Pilate seul, qui veillait pour César,
Sentant quelque pitié, se tourna par hasard :
« Allez chercher ce fou ! » dit-il aux satellites.


V

C’était bien lui, ce fou, cet insensé sublime...
Cet Icare oublié qui remontait les cieux,
Ce Phaéton perdu sous la foudre des dieux,
Ce bel Atys meurtri que Cybèle ranime !

L’augure interrogeait le flanc de la victime,
La terre s’enivrait de ce sang précieux...
L’univers étourdi penchait sur ses essieux,
Et l’Olympe un instant chancela vers l’abîme.

« Réponds ! criait César à Jupiter Ammon,
Quel est ce nouveau dieu qu’on impose à la terre ?
Et si ce n’est un dieu, c’est au moins un démon... »

Mais l’oracle invoqué pour jamais dut se taire ;
Un seul pouvait au monde expliquer ce mystère :
— Celui qui donna l’âme aux enfants du limon.

Morceaux choisis (II)

Devinette : qui donc a écrit ce texte ?

Nuit de l'enfer


J'ai avalé une fameuse gorgée de poison. — Trois fois béni soit le conseil qui m'est arrivé ! — Les entrailles me brûlent. La violence du venin tord mes membres, me rend difforme, me terrasse. Je meurs de soif, j'étouffe, je ne puis crier. C'est l'enfer, l'éternelle peine ! Voyez comme le feu se relève ! Je brûle comme il faut. Va, démon !
J'avais entrevu la conversion au bien et au bonheur, le salut. Puis-je décrire la vision, l'air de l'enfer ne souffre pas les hymnes ! C'était des millions de créatures charmantes, un suave concert spirituel, la force et la paix, les nobles ambitions, que sais-je ?
Les nobles ambitions !
Et c'est encore la vie ! — Si la damnation est éternelle ! Un homme qui veut se mutiler est bien damné, n'est-ce pas ? Je me crois en enfer, donc j'y suis. C'est l'exécution du catéchisme. Je suis esclave de mon baptême. Parents, vous avez fait mon malheur et vous avez fait le vôtre. Pauvre innocent ! l'enfer ne peut attaquer les païens. — C'est la vie encore ! Plus tard, les délices de la damnation seront plus profondes. Un crime, vite, que je tombe au néant, de par la loi humaine.
Tais-toi, mais tais-toi !... C'est la honte, le reproche, ici : Satan qui dit que le feu est ignoble, que ma colère est affreusement sotte. — Assez !... Des erreurs qu'on me souffle, magies, parfums faux, musiques puériles. — Et dire que je tiens la vérité, que je vois la justice : j'ai un jugement sain et arrêté, je suis prêt pour la perfection... Orgueil. — La peau de ma tête se dessèche. Pitié ! Seigneur, j'ai peur. J'ai soif, si soif !
Ah ! l'enfance, l'herbe, la pluie, le lac sur les pierres, le clair de lune quand le clocher sonnait douze... le diable est au clocher, à cette heure. Marie ! Sainte Vierge !... — Horreur de ma bêtise.
Là-bas, ne sont-ce pas des âmes honnêtes, qui me veulent du bien... Venez... J'ai un oreiller sur la bouche, elles ne m'entendent pas, ce sont des fantômes. Puis, jamais personne ne pense à autrui. Qu'on n'approche pas. Je sens le roussi, c'est certain.
Les hallucinations sont innombrables. C'est bien ce que j'ai toujours eu : plus de foi en l'histoire, l'oubli des principes. Je m'en tairai : poètes et visionnaires seraient jaloux. Je suis mille fois le plus riche, soyons avare comme la mer.
Ah çà ! l'horloge de la vie s'est arrêtée tout à l'heure. Je ne suis plus au monde. — La théologie est sérieuse, l'enfer est certainement en bas — et le ciel en haut. — Extase, cauchemar, sommeil dans un nid de flammes.
Que de malices, dans l'attention dans la campagne... Satan, Ferdinand, court avec les graines sauvages... Jésus marche sur les ronces purpurines, sans les courber... Jésus marchait sur les eaux irritées. La lanterne nous le montra debout, blanc et des tresses brunes, au flanc d'une vague d'émeraude...
Je vais dévoiler tous les mystères : mystères religieux ou naturels, mort, naissance, avenir, passé, cosmogonie, néant. Je suis maître en fantasmagories.
Écoutez !...
J'ai tous les talents ! — Il n'y a personne ici et il y a quelqu'un : je ne voudrais pas répandre mon trésor. — Veut-on des chants nègres, des danses de houris ? Veut-on que je disparaisse, que je plonge à la recherche de l'anneau ? Veut-on ? Je ferai de l'or, des remèdes.
Fiez-vous donc à moi, la foi soulage, guide, guérit. Tous, venez, — même les petits enfants, — que je vous console, qu'on répande pour vous son cœur, — le cœur merveilleux ! — Pauvres hommes, travailleurs ! Je ne demande pas de prières ; avec votre confiance seulement, je serai heureux.
— Et pensons à moi. Ceci me fait un peu regretter le monde. J'ai de la chance de ne pas souffrir plus. Ma vie ne fut que folies douces, c'est regrettable.
Bah ! faisons toutes les grimaces imaginables.
Décidément, nous sommes hors du monde. Plus aucun son. Mon tact a disparu. Ah ! mon château, ma Saxe, mon bois de saules. Les soirs, les matins, les nuits, les jours... Suis-je las !
Je devrais avoir mon enfer pour la colère, mon enfer pour l'orgueil, — et l'enfer de la caresse ; un concert d'enfers.
Je meurs de lassitude. C'est le tombeau, je m'en vais aux vers, horreur de l'horreur ! Satan, farceur, tu veux me dissoudre, avec tes charmes. Je réclame. Je réclame ! un coup de fourche, une goutte de feu.
Ah ! remonter à la vie ! Jeter les yeux sur nos difformités. Et ce poison, ce baiser mille fois maudit ! Ma faiblesse, la cruauté du monde ! Mon Dieu, pitié, cachez-moi, je me tiens trop mal ! — Je suis caché et je ne le suis pas.
C'est le feu qui se relève avec son damné.




Je me demande si ce texte vous aura secoué et fasciné comme moi... Je retrouve des racines littéraires dont je n'avais pas encore conscience :)