mardi 17 mars 2015

Hésitations





Attention, post qui ressemble à un énorme chantier.
Avant, je disais avec ma chanteuse préférée plus grandir pour pas souffrir… Je suis maintenant tout à l’opposé. Je veux grandir…
L’aurore au creux de mon ventre, aiguisée comme un poignard, mes vertèbres plantées de lumière, mes lèvres salées. Sa promesse douloureuse qui me vrille les nerfs, son goût de paradis perdu. Le temps qui se joue de moi. Ma prière frissonne dans mes entrailles.
Un rêve.
Quelques notes qui me rappellent l’autrefois, ou peut-être l’après. Comme tous les jours, je remplis mon rôle de figuration. Je ne peux pas me voir, personne ne le peut. Autour de moi gisent des centaines de mains coupées.
J’ai dansé pendant des heures. Le mouvement des danseurs m’a emportée comme la marée, j’ai disparu entre leurs corps agiles et gracieux, incapable de les suivre. Un homme grand et sévère a tenté de me contraindre à suivre la danse. Mais à chaque mouvement, il me perdait. Sa main tendue me laissait disparaître dans la masse confuse des corps.
Le même murmure continue de résonner à mon oreille. La même mélodie.
Je me souviens…
À peine.
Échouée sur ses rivages de corps, je n’éprouve que le poids du ciel sur mes os.
Comme tous les jours, j’apprends à écrire. Je me dérobe à chaque phrase (j’apprends à dire que ce ne sont pas les mots qui se dérobent). Les virgules disparaissent sous les points finaux. Les points de suspension interrompus, les épanchements tus.
Comme un souvenir de tendresse qui me réduit au silence.
Le rappel d’un rêve qui s’évanouit déjà.
J’ai toujours cette sensation de reprendre le fil d’un récit interrompu, sans jamais savoir de quel récit il s’agit. Comme si tout ce que j’avais jamais écrit n’était jamais qu’une longue, très longue introduction…
Je n’ai jamais eu l’impression de terminer quoi que ce soit. Je commence, je recommence. La sensation d’achèvement est-elle si désirable ? C’est plutôt que j’ai cette impression de tendre vers quelque chose, et je ne suis pas du tout certaine de m’en être rapprochée. Parfois je retrouve la foi de mon enfance. Cette sensation de destin. Mais plus souvent encore, je me dis que c’est stupide, un réconfort pour les faibles. Et pourtant…
Au moins, je sais que ces atermoiements sont la source même de mon écriture.
Je ne suis pas une bonne personne. Pas mauvaise non plus. Mais je suis perdue. J’ai une conscience de ce fait presque dévastatrice. Je croyais qu’il fallait aller au fond du trou, mais en fait, je crois que c’est un piège. Que la véritable épreuve, c’est de savoir comment remonter. Tout ce que je veux, c’est réussir, d’une manière ou d’une autre, à faire de cette exaspérante banalité quelque chose de beau. Ça a toujours été le sens de ma vie. Sans beauté, je ne trouve aucun intérêt à l’existence. J’y travaille, je ne me contente pas de le dire. Mais chaque fois je redécouvre la tâche plus ardue. Presque impossible, à première vue. Chaque jour permet de contredire un tout petit peu cette impression. Voilà les branches auxquelles je me raccroche.



On aimerait tous êtres géniaux. La question n’est pas que je ne veux pas faire d’efforts. C’est, encore une fois, que la simple volonté n’y suffit pas. Le chemin est un peu plus tordu que cela. Au moins, j’ai cessé de m’en prendre à moi-même sans arrêt. C’est officiel : j’assume d’être une paumée tourmentée par un énorme sentiment d’impuissance. Je fais de mon mieux. Si progrès il y a, c’est là. J’accepte de ne pas devoir être telle ou telle personne. J’accepte mon sentiment de décalage. Inutile d’y remédier. Si j’ai quelque chose d’utile à faire, ce sera grâce à ça. Tout ce que je n’ai pas parvenu à accomplir pour être cette personne forte, juste, sensée, ce sera ça, ma force. Je ne suis ni forte, ni juste, ni sensée. Du moins, pas autant que je l’avais prévu. Si je parviens à accepter cela, peut-être, peut-être seulement, je pourrais la toucher du doigt, cette liberté.
Et aussi accepter qu’au fond de moi, je suis une croyante. Je l’ai toujours été. Ce n’est pas faute d’avoir essayé de ne pas l’être. Pas en dieu, évidemment. En aucun dogme. Mais je ne serai jamais non plus une personne rationnelle, carrée, droite, les pieds sur terre. Ce qui a le plus influencé ma vie jusqu’ici provient de l’intérieur, un sentiment de nécessité. Je m’y suis toujours fiée sans vraiment l’assumer non plus. Toujours sur le fil, à jongler entre mon éducation très cartésienne et ma propre expérience. À chercher l’approbation tout en espérant la contradiction.
Je sais, je suis à moitié incompréhensible, et tout ceci est un mélange de rêves et de réflexion. Mais on est derrière le mur, ici. Ça a toujours eu une signification particulière, et c’est pourquoi je ne parviens pas à fermer ce blog.