Comme depuis quelques jours, le
sommeil me fuit. Mais ce soir, ce n’est pas grave, parce que je ne travaille
pas demain. Je suis très contente parce que je rentre très bientôt, j’ai vu le
bureau pour la dernière fois, traduit mon dernier fichier, fait ce foutu trajet
une dernière fois. Alors je me sens nettement plus détendue. J’en profite pour
écouter de la musique, très ancienne et nouvelle, que des chansons que j’adore,
dans ma bien nommée playlist « favoris ». ça fait du bien, je me
laisse aller aux évocations et aux sensations que la musique invoque. Très
longtemps, voilà très longtemps, que je n’avais pas invoqué quoi que ce soit,
passé ces moments d’intimité avec moi-même où je laisse fleurir en moi tout ce
que le monde a fécondé. Ces heures de ténèbres où je m’entends de nouveau
penser. Où le monde, même délimité à quatre murs, semble enfin s’élargir, et la
perception, s’approfondir. Ces moments où je retrouve ma propre richesse,
oblitérée par les sollicitations extérieures. Néantisée à l’extrême, à la fois
étriquée et étirée par une simple vie quotidienne harassante. J’en reviens
toujours à la même pensée : le plus difficile dans l’existence, ce ne sont
pas les moments intenses de l’épreuve, mais bien l’usure aliénante du
quotidien. Comme quoi, ce n’est pas parce qu’on est « ailleurs »,
dans un autre pays, un autre cadre, avec d’autres gens, que quoi que ce soit
change vraiment. Comme un fervent croyant a besoin de son moment de prière pour
parler à son dieu, j’ai besoin de ma solitude et de ma musique pour parler aux
esprits. C’est comme ça que j’appelle la foule qui papillonne dans ma tête, faite
de sensations, désirs, projections, souvenirs, idées, réminiscences,
affleurements de l’inconscient, intuitions, échos, appels, ce feuillage qui
tisse mon être. À l’écoute de tout cela, je peux de nouveau faire de la magie.
Transfigurer, sublimer. Je parle autant de création artistique que de création
tout court, ou plutôt re-création, processus perpétuel par lequel la vie
mentale manifeste son existence. Sa respiration, en somme. Je fais de la magie,
je me réinvente, me recréée. J’ouvre des portes, je tourne des pages, je prends
des décisions, je laisse ma vie se transformer et me transformer. Je vieillis à
l’ombre de mes pensées, sans un regret.
The
trembling of the earth
I felt it since my day of birth
I was naked and alone
But now I´m coming home…
I was naked and alone
But now I´m coming home…
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