12 août 2020, 19h08. Low Roar, 0.
Je suis en vacances. En vraies vacances, coupée de ma boîte e-mail pro, et pendant trois semaines. Ça ne m’est plus arrivé depuis ma vie étudiante. J’ai presque l’impression de devoir réapprivoiser cette forme particulière d’inactivité. Réapprivoiser mon environnement. Après le premier week-end passé à végéter en jouant à mon jeu vidéo du moment, j’ai passé la journée du lundi à faire du rangement et du ménage. À me réapproprier l’espace. Mon espace. Parce que l’une des constantes dans ma vie c’est de ne me sentir appartenir à rien et à nulle part. D’être constamment de passage, d’avoir un sentiment proche de l’illégitimité, comme si j’empruntais tout, y compris ma vie. Parfois cette impression s’efface, et ça arrive dehors quand je suis bien dans ma peau, chez moi quand je prends le temps de me poser dans l’instant présent et me concentre sur l’immédiat et l’existant. Mon appartement est mon antre, ma citadelle, ma bulle. J’aime y rester pendant des périodes prolongées, j’aime y être seule, parce que c’est ainsi que se forment mes rêves, ainsi que je deviens créative, autrement dit, je le crois toujours, capable de donner le meilleur de moi-même. Ne pas pouvoir faire toutes ces choses, c’est comme une forme de violence, lente et latente, et ça finit toujours par me faire craquer, physiquement, psychologiquement. Savoir s’écouter c’est un art, car faire la différence avec la complaisance n’est pas si facile.
J’écrivais tout à l’heure, ailleurs, qu’on ne cesse jamais, ou du moins qu’on ne peut pas avant très longtemps, de surmonter un traumatisme. Parce que même si les émotions engendrées par l’événement ou la suite d’événement sont apaisées, on doit ensuite affronter les conséquences en nous-même. Un traumatisme est comme un arbre enraciné profondément dans le cœur et la psyché. Il peut changer la façon de vivre, la façon de voir, la façon de pensée. Il peut bouleverser la gestion des émotions, rendre instable, impuissant. J’ai toujours été d’accord avec le fait qu’il fallait apprendre à accepter ses failles. Mais ce n’est même pas de les accepter, le plus dur. C’est simplement d’arriver à vivre avec. Je suis une grande habituée de l’instabilité émotionnelle, en soi elle ne me gêne pas, pas vraiment... C’est le dégoût, la haine de soi, la culpabilité, l’anxiété et la colère engendrées par tout ça qui sont des problèmes. Et je me réveille en vacances et je sens que j’étais très fatiguée par tout ça. Que j’ai réalisé que les racines de l’arbre traumatique pompait mon énergie vitale. Que je devais, en somme, me recentrer. Respirer. Sinon, réappropriation d’espace ou pas, je ne parviendrai pas à écrire. Je ne parviendrai pas à avancer. Alors parfois il faut arrêter d’essayer d’avancer. Laisser les rêves éclore. Les regarder se déployer comme la fumée. Ne pas chercher à devancer sa propre vie.