Attention, post qui ressemble à un énorme chantier.
Avant, je disais avec ma chanteuse préférée plus grandir
pour pas souffrir… Je suis maintenant tout à l’opposé. Je veux grandir…
L’aurore au creux de mon ventre, aiguisée comme un poignard,
mes vertèbres plantées de lumière, mes lèvres salées. Sa promesse douloureuse
qui me vrille les nerfs, son goût de paradis perdu. Le temps qui se joue de
moi. Ma prière frissonne dans mes entrailles.
Un rêve.
Quelques notes qui me rappellent l’autrefois, ou peut-être l’après.
Comme tous les jours, je remplis mon rôle de figuration. Je ne peux pas me
voir, personne ne le peut. Autour de moi gisent des centaines de mains coupées.
J’ai dansé pendant des heures. Le mouvement des danseurs m’a
emportée comme la marée, j’ai disparu entre leurs corps agiles et gracieux,
incapable de les suivre. Un homme grand et sévère a tenté de me contraindre à
suivre la danse. Mais à chaque mouvement, il me perdait. Sa main tendue me
laissait disparaître dans la masse confuse des corps.
Le même murmure continue de résonner à mon oreille. La même
mélodie.
Je me souviens…
À peine.
Échouée sur ses rivages de corps, je n’éprouve que le poids
du ciel sur mes os.
Comme tous les jours, j’apprends à écrire. Je me dérobe à
chaque phrase (j’apprends à dire que ce ne sont pas les mots qui se dérobent).
Les virgules disparaissent sous les points finaux. Les points de suspension
interrompus, les épanchements tus.
Comme un souvenir de tendresse qui me réduit au silence.
Le rappel d’un rêve qui s’évanouit déjà.
J’ai toujours cette sensation de reprendre le fil d’un récit
interrompu, sans jamais savoir de quel récit il s’agit. Comme si tout ce que j’avais
jamais écrit n’était jamais qu’une longue, très longue introduction…
Je n’ai jamais eu l’impression de terminer quoi que ce soit.
Je commence, je recommence. La sensation d’achèvement est-elle si désirable ?
C’est plutôt que j’ai cette impression de tendre vers quelque chose, et je ne
suis pas du tout certaine de m’en être rapprochée. Parfois je retrouve la foi
de mon enfance. Cette sensation de destin. Mais plus souvent encore, je me dis
que c’est stupide, un réconfort pour les faibles. Et pourtant…
Au moins, je sais que ces atermoiements sont la source même
de mon écriture.
Je ne suis pas une bonne personne. Pas mauvaise non plus.
Mais je suis perdue. J’ai une conscience de ce fait presque dévastatrice. Je
croyais qu’il fallait aller au fond du trou, mais en fait, je crois que c’est
un piège. Que la véritable épreuve, c’est de savoir comment remonter. Tout ce
que je veux, c’est réussir, d’une manière ou d’une autre, à faire de cette
exaspérante banalité quelque chose de beau. Ça a toujours été le sens de ma
vie. Sans beauté, je ne trouve aucun intérêt à l’existence. J’y travaille, je
ne me contente pas de le dire. Mais chaque fois je redécouvre la tâche plus
ardue. Presque impossible, à première vue. Chaque jour permet de contredire un
tout petit peu cette impression. Voilà les branches auxquelles je me raccroche.
On aimerait tous êtres géniaux. La question n’est pas que je
ne veux pas faire d’efforts. C’est, encore une fois, que la simple volonté n’y
suffit pas. Le chemin est un peu plus tordu que cela. Au moins, j’ai cessé de m’en
prendre à moi-même sans arrêt. C’est officiel : j’assume d’être une paumée
tourmentée par un énorme sentiment d’impuissance. Je fais de mon mieux. Si
progrès il y a, c’est là. J’accepte de ne pas devoir être telle ou telle
personne. J’accepte mon sentiment de décalage. Inutile d’y remédier. Si j’ai
quelque chose d’utile à faire, ce sera grâce à ça. Tout ce que je n’ai pas
parvenu à accomplir pour être cette personne forte, juste, sensée, ce sera ça,
ma force. Je ne suis ni forte, ni juste, ni sensée. Du moins, pas autant que je
l’avais prévu. Si je parviens à accepter cela, peut-être, peut-être seulement,
je pourrais la toucher du doigt, cette liberté.
Et aussi accepter qu’au fond de moi, je suis une croyante.
Je l’ai toujours été. Ce n’est pas faute d’avoir essayé de ne pas l’être. Pas
en dieu, évidemment. En aucun dogme. Mais je ne serai jamais non plus une
personne rationnelle, carrée, droite, les pieds sur terre. Ce qui a le plus
influencé ma vie jusqu’ici provient de l’intérieur, un sentiment de nécessité.
Je m’y suis toujours fiée sans vraiment l’assumer non plus. Toujours sur le
fil, à jongler entre mon éducation très cartésienne et ma propre expérience. À chercher
l’approbation tout en espérant la contradiction.
Je sais, je suis à moitié incompréhensible, et tout ceci est
un mélange de rêves et de réflexion. Mais on est derrière le mur, ici. Ça a
toujours eu une signification particulière, et c’est pourquoi je ne parviens
pas à fermer ce blog.