Oui, je crois que je suis un peu
maudite. Invoquer les esprits me coûte. Peut-être très cher. Mais je continue à
y croire aveuglément. Tant que la magie se produira, je ne cesserai jamais d’y
croire. D’ailleurs, même quand la magie se tarit, je la cherche sans relâche,
jusqu’à ce que de nouveau les mots se précipitent, et avec eux, bien plus que
la délivrance. Le sens tout entier. La seule chose importante au monde.
Peut-être que je fais bien de
choisir une autre voie de professionnalisation. Je crois que si je cherche à
rendre mon écriture rentable, ça me tuera. Bien plus sûrement que l’alcool qui
me sert de catalyseur. Et j’en ai rien à foutre si ça paraît romantique. Et
pour le coup, c’est une telle délivrance de le savoir. Je ne serai jamais
écrivaine professionnelle. Au mieux, et je l’espère, je serai chamane
professionnelle. Tutoyer les esprits, c’est ça, mon vrai métier. La seule chose
qui pourra, peut-être, donner du souffle à mes écrits, c’est cela. J’y exprime
mes idées, et oui, c’est vrai, je suis fière de ce que je pense, même si c’est
idiot. Mais le souffle. Les idées n’ont
pas de souffle. Il faut le truc en plus. Ce fameux truc de l’art, que personne ne vous dira comment trouver. Ce truc qui rend l’entreprise de création absolument (et je n’utilise pas le mot à
la légère) solitaire. Unique. C’est la même chose que pour la quête mystique.
Un maître, c’est bien. Mais ne comptez pas sur le maître lorsqu’il s’agit
de révélation. C’est entre vous et… Tout
ce qui est impossible à nommer. Et ça ne saurait être autrement, puisque le
sens du vertige, c’est le sens même de l’existence, du sentiment d’être, je
veux dire. Ça ne s’enseigne pas. Peut-être que ça peut se transmettre, mais au
mieux, je crois, se suggérer. L’art m’a toujours fait cet effet. L’art m’a
toujours donné le vertige.